dimanche 22 avril 2012

ORIGINES DES AMERINDIENS


ORIGINES DES AMERINDIENS

Présentation

Le terme Amérindien (Indien d’Amérique) désigne les peuples aborigènes de l’Amérique du Nord, de la Méso-Amérique et de l'Amérique du Sud.
On ne pourra jamais établir exactement le nombre d’Amérindiens à la veille de la conquête européenne.
Certains estiment qu'à l'époque où les premiers colons Européens débarquèrent aux Amériques, le continent comptait plus de 90 millions de personnes : 10 millions au nord du Mexique actuel, 30 millions au Mexique, 11 millions en Amérique centrale, 445 000 dans les Caraïbes, 30 millions dans les Andes et 9 millions dans le reste de l'Amérique du Sud.
L’historien Russell Thornton évalue à 7 millions le nombre d'Amérindiens installés à l'intérieur des frontières actuelles des États-Unis vers 1500.
D’autres avancent des chiffres très inférieurs. Pour eux, l’Amérique du Nord n’était peuplée que de 1 ou 2 millions d’habitants au début du XVIe siècle.

Peuplement de l’Amérique

Il est généralement admis que les Amérindiens sont les descendants des Mongoloïdes qui, profitant de l'abaissement du niveau de la mer au moment de l'âge glaciaire, il y a 14 000 ans, arrivèrent de Sibérie à la poursuite de mammouths, de bisons et d’orignaux. Les Amérindiens seraient en fait des chasseurs asiatiques, passés par la Béringie (bande de terre fermant alors le détroit de Béring) pour rejoindre le continent américain où ils se répandirent.
Actuellement, on estime que le passage d’un continent à l’autre s’est fait par terre et par mer et que les migrations successives se sont produites il y a entre 40 000 et 12 000 ans.
Cette thèse est validée par les ressemblances physiques et génétiques entre Amérindiens et Indiens d’Asie. On a également retrouvé des fossiles correspondant à des campements datant de 27 000 ans à Old Crow Flats (Tukon) ainsi que sur d’autres sites. Il existe aussi des similitudes entre les outils utilisés par les Indiens d’Amérique et par les hommes vivant en Sibérie.
Les ancêtres des civilisations d’Amérique Centrale et d’Amérique du Sud seraient les mêmes que ceux des Indiens d’Amérique du Nord ; des études génétiques démontrent leur origine sibérienne. Les Inuits seraient arrivés lors de migrations plus tardives.



En avril 2006, une équipe d'archéologues de l'Université britannique John Moores de Liverpool, conduite par Silvia Gonzales, a découvert, sur le site de Hueyatlaco de la Cuenca del Valsequillo au Mexique, des ossements humains fossilisés qui seront datés de 40000 ans.
Si les ancêtres des Amérindiens (d'origine mongoloïde) arrivèrent en Amérique entre 40 000 et 12 000 ans, il apparaît que d'autres populations d'origines diverses (caucasienne ou europoïde, négroïde ou australoïde) y étaient présentes bien avant eux.
Les peintures rupestres de la grotte de Pedra Furada dans le Parc national de Serra da Capivara située au Sud-est de Etat du Piaui (centre du Brésil) remontent à 32 000 ans. La plus basse couche archéologique de l'activité humaine, dans l'abri de roche de Pedra Furada, a donné des résultats au radiocarbone s'étendant de 55 000 à 60 000 ans .

Les travaux du généticien Douglas Wallace de l'Université de Californie à Irvine remettent largement en cause l'origine asiatique des premiers Américains ou Paléoaméricains. En s'intéressant à l'ADN mitochondrial des Amérindiens, il réussit à prouver :
- que le peuplement de l'Amérique s'est fait en plusieurs vagues migratoires dont la plus ancienne remonte selon les études archéologiques les plus récentes à 60 000 ans ;
- que ces migrations venaient d'Asie mais aussi d'Europe (type europoïde ou caucasien) ;
- qu'une origine australoïde (mélanésienne ou africaine) est constatée sur les squelettes découverts dans plusieurs sites préhistoriques d'Amérique du Sud (Brésil) et Centrale (Mexique).



Origines des Amérindiens :

- Des Européens en Amérique avant les Vikings et Christophe Colomb ?
L’homme de Kennewick, âgé de 9 300 ans (carbone 14), découvert le 28 juillet 1996, près de la Columbia, à côté de la ville de Kennewick, dans l'état de Washington, dont le squelette est réclamé par les Umatilla, et l’homme de Spirit Cave (Grotte de l'Esprit au Nevada), daté entre 11 000 et 8 000 ans et réclamé par les Paiutes, ont le visage et la boîte crânienne de type caucasien ou europoïde, et s’apparentent aux Aïnous du Japon, derniers descendants d’une population répandue dans tout l’ancien monde.
Il y a de surprenantes similitudes entre la culture de Clovis au Nouveau Mexique (datée de 11 500/13 500 ans) et la culture des Solutréens qui occupaient le nord de l'Espagne il y a environ 19 000 ans.
Le site de Cactus Hill en Virginie a livré des pointes comparables à celles des Solutréens et vieilles de 19 000 ans.
Selon les archéologues américains, Dennis Stanford et Bruce Bradley, les Solutréens auraient bien pu suivre, sur de petits bateaux construits en peaux de bêtes, les côtes de l'ancien glacier qui recouvrait l'Atlantique nord et coloniser une partie de l'Amérique.
Des études révèlent qu’un marqueur européen est présent dans l’ADN de 25% de certaines populations amérindiennes (notamment les Ojibwa), ce qui est considérable.

- Des Noirs en Amérique avant les Peaux-Rouges ?
Les ancêtres des Amérindiens auraient éliminé les précédents occupants, des australoïdes venus d’Australie en Amérique du Sud en traversant l’Océan Pacifique, pendant l’ère glaciaire, il y a environ 50 000 ans. Ne resterait de ces aborigènes que quelques descendants (métissés d’Indiens) en voie d’extinction en Terre de Feu.
Des noirs venus d'Afrique de l'Ouest auraient débarqué au Brésil.
75 crânes d'aspect australoïde (mélanésien ou africain), dont le crâne de Luzia, datés de 35 000 ans, ont été mis au jour au Brésil.
250 crânes et squelettes de Cerca Grande (Brésil), datés de 8 000 à 12 000 ans, ont la même morphologie australoïde que Luzia.

- Les apports polynésiens
Il est de plus en plus admis que l'Amérique du Sud a reçu l'apport de populations polynésiennes : des Océaniens auraient traversé le Pacifique (théorie de Paul Rivet, un des fondateurs du Musée de l'Homme).
Des squelettes, datés de 12 500 à 14 500 ans, découverts à Monte Verde au Chili, présenteraient des caractéristiques typiques des peuples polynésiens.

- Les Amérindiens : des descendants du peuple juif ?
Les Mormons croient que les ancêtres des Amérindiens, qu’ils nomment « Lamanites », sont des descendants du peuple juif...

- Les Amérindiens : des autochtones ?
Le débat sur la thèse d'une origine homo-sapiens autochtone est aujourd’hui engagé.
La théorie du détroit de Béring, notamment, est généralement rejetée par les Amérindiens qui se considèrent comme des autochtones.
«Vigoureusement défendues par les universitaires blancs, la théorie du détroit de Béring s’oppose aux récits traditionnels des migrations indiennes. Nous avons là un parfait exemple de la théorie sur les faits. Sans doute est-il très intéressant de procéder à des fouilles sur le site d’anciens campements, mais il n’existe aucune route indiquant le déplacement de populations entre l’Asie et l’Amérique du Nord. Et si tel était le cas, rien ne permettrait de déterminer dans quel sens se dirigeaient les pas de ces émigrants. Nous ne sommes sûrs que d’une chose : privilégiée par les Blancs, la théorie du détroit de Béring devient un fait scientifique incontesté. Si des Indiens se trouvaient à la tête des universités, le peuplement du Nouveau Monde ferait l’objet d’une tout autre explication, que les chercheurs soutiendraient de la même façon. La théorie illustre un principe récurrent. Un grand nombre de certitudes scientifiques et/ou universitaires concernant les Indiens ont eu pour origine des doctrines religieuses. La religion ayant perdu de son influence, des universitaires laïques se sont emparé de l’idée et l’ont transformée en théorie, elle est maintenant partie intégrante de l’orthodoxie scientifique. » 1
Abya Yala est le nom choisi en 1992 pour désigner le continent américain par les nations indigènes qui refusent la référence à Amerigo Vespucci. Le nom « Abya Yala » qui signifie « terre dans sa pleine maturité » vient de la langue des Kunas de Panama qui utilise cette expression pour nommer l'Amérique



Groupes ethniques

PEUPLES PRECOLOMBIENS

Ce sont les peuples qui occupaient l’Amérique avant le débarquement de Christophe Colomb (1492).
Les populations précolombiennes ignoraient le fer et l’usage de la roue, du tour de potier et du cheval, que les Espagnols devaient importer en Amérique.
Ces populations, pour lesquelles le maïs était l’aliment de base, inventèrent une écriture hiéroglyphique, un calendrier, se dotèrent de systèmes politiques et administratifs complexes et efficaces, de sanctuaires, temples, pyramides, enceintes (mosaïques, bas-reliefs, hauts-reliefs, statues), aux dimensions imposantes.
La plupart de ces peuples pratiquaient l'esclavagisme et le cannibalisme. Après une bataille, les vaincus étaient faits prisonniers. S’ils n’étaient pas immolés à une divinité ou mangés, ils servaient d’esclaves et finissaient parfois par être complètement intégrés en recevant une épouse.
Les deux principaux centres précolombiens se situent d’une part en Amérique andine (Pérou), d’autre part en Amérique centrale (Mexique méridional, Guatemala, Honduras).
Les principales civilisations précolombiennes sont les suivantes : civilisations des Andes, olmèque (1000 av. J.-C. à 800 ap. J.-C.), zapotèque (650 av. J.-C. à 1521 ap. J.-C.), totonaque (400 av. J.-C. à 1521 ap. J.-C.), de Teotihuacan (300 av. J.-C. à 1000 ap. J.-C.), mixtèque (300 av. J.-C. à 1521), maya (300 av. J.-C. à 1697 ap. J.-C.), toltèque (850-1250), aztèque (1170-1525).

Voir Liste des Nations ; Cartes.

CIVILISATIONS DES ANDES

La cordillère des Andes, imposante chaîne de montagnes et de hauts plateaux, s'étire en Amérique du Sud de la Terre de Feu à l'isthme de Panama, le long de l'océan Pacifique.

San Agustín (parc archéologique de)
Le parc archéologique de San Agustín est un ensemble de monuments religieux et de sculptures mégalithiques au cœur des Andes, à San Agustín dans le département de Huila en Colombie. 300 sculptures monumentales réalistes ou abstraites parsèment ce parc, témoignant de l’art d’une civilisation qui atteignit son apogée durant les huit premiers siècles de notre ère. L'origine des sculpteurs demeure mystérieuse car la plus grande partie du site n'a toujours pas été fouillée et aucune trace d'écriture n'a été trouvée à ce jour 13.

Cauca (Vallée de la). Les Quimbayas.

Les Quimbayas vivaient le long du rio Cauca à l'ouest de la Colombie.
Leurs tombes sont de deux types différents : soit aménagées en surface, soit à 10 m de profondeur. Les défunts, entourés d'un mobilier funéraire composé d'ustensiles de céramique et de pierre ainsi que de nombreux colliers et autres bijoux en or, y étaient entreposés à même le sol.
Les Quimbayas possédaient une excellente technique du travail de l'or, mise au point vers 500 ans av. J.-C. : ils pratiquaient le martelage, le tréfilage, le rivetage et l'incrustation. Habiles orpailleurs, ils lavaient les sables des rivières et des ruisseaux dans les montagnes du centre et du sud du pays qui recelaient beaucoup d’or.
Ils étaient polygames et les nombreuses épouses d'un homme témoignaient de sa richesse et de son importance au sein de sa communauté.

Les Chibchas

Au IIIe siècle, les Chibchas avaient établi leur civilisation au nord des Andes. À un moment donné, ils ont occupé une partie de ce qui constitue maintenant le Panamá et les hautes plaines de l'est de la Sierra colombienne. Les zones qu'ils occupaient en Colombie correspondaient aux départements actuels de Santander (nord et sud), de Boyacá et de Cundinamarca.
Au temps de la conquête espagnole, leur population était concentrée sur le cours supérieur du fleuve Magdalena, autour de Bogota, en Colombie. D'autres peuples amérindiens de la même famille ont d'ailleurs été découverts le long de l'isthme d'Amérique centrale et au Costa Rica.
Culturellement, les Chibchas se rapprochent des Incas. Ils cultivaient du maïs et de la pomme de terre grâce à un système d'irrigation très étendu et tissaient le coton. Ils fabriquaient de la céramique et surtout de remarquables objets en or. Remarquables orfèvres, ils n'avaient pourtant pas découvert les techniques de travail du cuivre ou du bronze. Ils exploitaient aussi des mines de sel et d'émeraudes (qu'ils utilisaient comme monnaie d'échange).
Les Chibchas adoraient Bochica, père de la civilisation et descendant du soleil. C'est d'une tradition du peuple Chibcha qu'est né le mythe de "Eldorado" (le doré) : ils recouvraient de poussière d'or leur nouveau roi, fils du soleil, lors de la cérémonie d'intronisation. Leur religion est assez semblable à celle des autres peuples précolombiens et les sacrifices humains étaient courants.
Les Chibchas avaient développé en Amérique du Sud la société la plus importante et la plus centralisée d'Amérique du Sud après les Incas, lorsque les envahisseurs européens arrivèrent. Les Chibchas opposèrent une ferme résistance aux Espagnols mais furent finalement vaincus et presque exterminés.
Les Chibchas étaient composés de plusieurs tribus qui parlaient la même langue (chibchan) : les Muiscas (ou Moscas), Guanes, Laches, A'i Cofán, Pijaos et Chitareros. De nos jours, le chibchan est parlé par une centaine de milliers d’individus répartis au Panama, en Colombie, en Equateur et au sud du Costa Rica.

Valdivia (culture de)

Equateur : côte Sud, Province de Guayas Valdivia, Manabi, sud d'Esmeraldas, Los Rios, El Oro. Le site de Real Alto est un des plus importants sites archéologiques de la culture de Valdivia. La culture Valdivia (entre 3600 et 1500 avant J.C. environ), qui s'est développée principalement sur la côte, est l'une des plus anciennes civilisations d'Amérique. Elle se caractérise par la qualité de ses céramiques d'argile gris clair (notamment ses figurines de Vénus) ainsi que par des connaissances avancées en agriculture.

Les Cañaris

Les Cañaris vivaient dans le sud de l'équateur actuel, principalement dans les provinces d'Azuay et Del Oro. Ils descendaient des Nahuas (Aztèques) du centre du Mexique.
Les Cañaris étaient divisé en 2 tribus, celle des Tomebaba et celle des Chordeleg.
Leur capitale était Tumipampa (ou Tomebamba), aujourd'hui Cuenca.
Ils furent massacrés par les Incas, fin du 15e/début du 16e siècle. Les survivants furent déportés à Cuzco. La capitale fut rasée et reconstruite par l'empereur inca Huayna Capac, le père d'Atahualpa. 2

El Brujo

A El Brujo, complexe archéologique dans la vallée de la Chicama, près du village de Chicama, à 35 km au Nord de Trujillo, sur la côte nord du Pérou, sont apparues d’anciennes architectures monumentales : une pyramide, la huaca Prieta, le plus ancien monument de l'ensemble, qui daterait de l'an 2500 avant J.-C. et un temple.
Des vêtements de coton et des gourdes gravées de motifs géométriques ont été retrouvés.

Las Haldas

Autre site précéramique de la côte nord du Pérou, la plaine de Las Haldas où, vers 1500 av. J.-C., des tertres de forme rectangulaire, bordés de murets de pierre formant généralement une succession de trois ou quatre gradins, ont été édifiés au centre de la plaine.
Certains tertres étaient surmontés d'un édifice plus important, peut-être un temple, dont il subsiste la base de murs de pierre.
Des cendres et des débris de poterie indiquent que des habitations se trouvaient sur ces tertres (maisonnettes au toit et aux parois de roseaux supportés par des poteaux).

El Paraíso

Au centre de la côte péruvienne, dans la vallée du rio Chillon, proche de Lima, Chuquitanta, aujourd’hui El Paraíso, est un formidable complexe architectonique constituant le premier grand centre cérémoniel de la côte centrale connu à ce jour (2100 à 1800 ans avant J.-C.).
A l'Ouest du complexe, se trouvent trois monticules cérémoniels remontant à une période antérieure, à peu près contemporaine de celle de Kotosh.

Kotosh

Un autre site précéramique important est Kotosh, sur les hauts plateaux au centre du Pérou, situé sur la rive droite du rio Higueras, près de Huanuco.
En déblayant un temple en terrasse, la mission japonaise de l’université de Tokyo mit à jour en 1963 le « Relief des mains croisées », un bas relief réalisé en boue séchée et dont l'existence remonterait à plus de 4200 ans, ce qui ferait du site l'un des plus anciens du continent américain en matière d’architecture et de sculpture religieuse.

Norte Chico

La civilisation de Norte Chico, qui comprenait 30 centres majeurs de population (notamment Huaricanga, Caral et Caballete) dans ce qui est aujourd'hui la région de Norte Chico au Pérou, a connu son apogée entre 3000 et 1800 av. J.-C. Pêche côtière et coton.
- Caral ou Caral-Supe :
En 1994, au Pérou, à 200 km au nord de Lima, sur le site de Caral (découvert en 1905), dans la bande de désert située entre la Cordillère des Andes et le Pacifique, des archéologues découvrent les vestiges de la première grande ville du Nouveau Monde avec ses 6 pyramides à degrés. Le 27 avril 2001, le magazine Science annonce au monde entier la découverte au Pérou d'une cité qui a entre 4000 et 4600 ans ; son âge a été dévoilé par des roseaux (trouvés dans les imposantes pyramides) datés au radiocarbone. Les 6 pyramides à degrés sont contemporaines de la pyramide égyptienne de Khufu (ou Chéops) construite entre 2600 et 2480 av. JC). Le site de Caral fait partie d'un groupe de 18 sites situés de part et d'autre du rio Supe.
- Huaricanga :
Ce site fait l'objet de fouilles poussées ; sa datation la plus ancienne remonte à 3570 avant Jésus-Christ.

Chavin

Le centre cérémoniel de Chavin de Huantar, dans les hautes terres du Nord du Pérou, fut édifié vers 1200 avant Jésus-Christ.
Les pèlerins venaient y adorer des divinités à l'aspect animal comme le jaguar, le serpent ou le caïman dont les effigies sculptées ornaient les temples.
La culture de Chavin exerça son influence, tant artistique que religieuse, jusqu'aux petits royaumes indépendants de la côte pacifique (dont la civilisation de la péninsule de Paracas après 1000 av. J.-C.). Entre 200 av. J.-C. et 700 apr. J.-C. environ, l'un d'entre eux, le royaume des Mochicas, prit la relève.

Civilisation mochica

Entre 200 av. J.-C. et 700 apr. J.-C. environ, les Mochicas ou Moches constituaient, sous l'autorité de leur aristocratie, une société très organisée capable de mener à bien de vastes travaux d'irrigation, ou la construction de grandes pyramides à degrés en adobe, comme la Huaca del Sol (le temple du Soleil), près du fleuve Moche (Pérou).
Les tombes mochica ont livré une céramique funéraire dont l'imagerie constitue un véritable dictionnaire de la vie quotidienne des habitants de ce royaume qui, issu de la vallée de la Chicama, dominait, entre le VIe et le XIe siècle, toute la côte nord de l'actuel Pérou.
Perpétuant les traditions de céramique anthropomorphe de leurs prédécesseurs de la culture de Chavin, les potiers mochica inaugurèrent cependant la production en série. L'invention du moule leur permit cette innovation à l'origine de vases de couleur crème, ornés en relief et peints en rouge, brun ou noir. Des scènes peintes montrent des sacrifices humains, tandis que certaines poteries prennent l'aspect de personnages parés de coiffures et de costumes luxueux. Les guerriers casqués et munis de leur bouclier tiennent également une grande place dans la production. Paysages, animaux, travaux agricoles sont évoqués avec un admirable sens de l'observation n'excluant ni l'humour ni la poésie. Les thèmes mythologiques mettent en scène les combats du dieu félin contre des démons à forme de crabes ou d'oiseaux.
Les poteries funéraires mochica les plus réputées restent les « vases portraits », dont on a cru tout d'abord qu'ils représentaient les défunts. On pense à présent qu'il s'agit plutôt de visages idéalisés fabriqués en série.
La civilisation mochica, durement éprouvée par des bouleversements climatiques (des décennies d’inondations suivies d’une grande sécheresse) puis déchirée par des guerres civiles, s’éteignit au VIIIème siècle.

Les Chimus.

Au cours du XIIe siècle, après une période de troubles, une nouvelle puissance s'affirma sur l'ancien territoire des Mochicas précités : celle des Chimus.
Venus de la mer, selon la légende, ils imposèrent aux peuples soumis une solide administration, régie par le « ci-quic », souverain absolu.
Leur capitale Chan Chan était une ville immense (plus de 20 km²) protégée par 10 citadelles. Les bâtiments étaient décorés de mosaïques à motifs géométriques en adobe ou de bas-reliefs moulés dans le plâtre argileux et représentant des animaux, des oiseaux et des figures mythologiques.
Bien que Chan Chan ne fût pas fortifiée, les Chimus défendirent leur empire en bâtissant des forteresses à ses frontières, comme Paramonga, qui défendait la frontière sud, ou Saccasihuamán, au-dessus de Cuzco.
Ils réalisèrent aussi de vastes travaux d'irrigation afin de fertiliser les terres arides du désert.
Leurs artisans excellaient dans le travail du métal : vases, idoles, bijoux de bronze, d'argent et surtout d'or, étaient fabriqués en quantité pour les besoins des riches personnages et certaines belles pièces furent même exportées chez les peuples voisins.
Vers 1470, ayant réduit la résistance des Chimus en détruisant leurs canaux d'alimentation en eau, les conquérants incas s'emparèrent de Chan Chan.

Les Lambayeques ou Sicans

A l’ombre de la cordillère des Andes, en Amérique du Sud, près du site de Moche, la vallée du rio La Leche a été le théâtre de la naissance et du déclin du peuple « Lambayeque » également connu sous le nom de « Sicàn ». Les Lambayeques ou Sican ont prospéré dans cette région à partir de 700 de notre ère. Entre la fin de la culture Mochica et la splendeur de l'empire Chimú précités, la civilisation pré-incaïque Lambayeque est historiquement liée à la phase d'expansion Tiahuanaco-Huari dont elle pourrait être un développement local.
Au milieu du 13e siècle, la vallée de Lambayeque fut conquise par les souverains Chimú, avant d'être à son tour annexée à l'Empire inca au 15e siècle.
Les Lambayeques étaient obsédés par la construction des pyramides. Aujourd’hui, seuls quelques vestiges témoignent du nombre impressionnant de monuments qu’abritait cette vallée.
On a dénombré environ 250 pyramides monuments dans la vallée. Erodées au fil du temps, ces pyramides ont fini par se fondre dans le paysage sous forme de collines.
Dans la vallée de Lambayeque, trois grands sites se détachent :
- Pampa Grande (600-750 de notre ère) avec une immense pyramide de plus de 50 m de haut sur 200 m de large
- Batan Grande (750-1100 de notre ère) avec une bonne douzaine de pyramides
- Túcume (1100-1500 de notre ère) avec son cercle de 26 pyramides : la première ayant été construite autour de 1100 de notre ère.
Les pyramides étaient les lieux de résidence permanents des seigneurs qui gouvernaient la région.
Le devant des pyramides, constitué d’un immense espace à ciel ouvert, était réservé aux grandes cérémonies publiques. L’élite des seigneurs Lambayeque et le gouverneur inca se rassemblaient autour du temple. Le grand prêtre soufflait des poudres colorées sur la pierre sacrée, symbolisant le dieu de la montagne. En se parant d’un masque, il montrait qu’il endossait le rôle d’un dieu.
Lorsque les Espagnols arrivèrent au Pérou, les Incas avaient déjà pris le contrôle de la vallée. Or, les Lambayeques partageaient avec les Incas une même croyance, à savoir que les envahisseurs, qui avaient tué leur chef suprême, l’Inca, étaient le signe de la colère des dieux. Il fallait donc apaiser les divinités en leur offrant le plus précieux : des êtres humains.
Les victimes absorbaient de grandes quantités de graines d’ananas qui paralysaient leur corps mais les laissaient conscientes. Une fois la gorge tranchée et la tête coupée, le prêtre retirait le cœur pour l’offrir aux dieux.
Mais, les sacrifices ne stoppèrent pas les Espagnols. Plus la peur grandissait, plus les corps s’empilaient devant le temple.
Quand les Lambayeques en vinrent à considérer que les pyramides avaient perdu leur pouvoir surnaturel et n’avaient pu les protéger, ils y mirent le feu pour purifier le site et abandonnèrent Túcume. 3

Civilisation de Paracas

Influencée par la culture de Chavin, la civilisation de Paracas, sur la presqu'île de Paracas au Pérou, dura de 800 av. JC à 200 ap. J.-C. puis se fondit dans celle de Nazca.
La plupart des crânes des momies de Paracas révèlent l'existence de déformations crâniennes (aplatissement artificiel dans un but esthétique) et de trépanations quelquefois répétées (probablement rituelles).
Cette civilisation tissait la laine et le coton et faisait de la poterie.

Culture Nazca. Cahuachi.

Contemporaine de celle des Mochicas, la culture Nazca, au sud de la côte péruvienne, était, elle-aussi, remarquable.
Comme leurs prédécesseurs Paracas, les habitants de Nazca excellèrent dans les tissus et la poterie, utilisant une gamme de couleurs très étendue. La poterie nazca est aussi exubérante dans sa polychromie qu'audacieuse dans sa forme et son graphisme. La gravure en creux des Paracas n'était plus utilisée et la couleur était appliquée avant (et non plus après) la cuisson.
Parmi les vestiges les plus énigmatiques de la civilisation précolombienne figurent les lignes tracées dans le désert Nazca, dans le sud du Pérou. Ces lignes, souvent appelées « pistes de Nazca », étaient tracées en enlevant une couche de pierres sombres à la surface du sol, faisant ainsi apparaître un substrat plus clair. Elles dessinent, à une échelle gigantesque, des formes géométriques, des mammifères, des oiseaux et des poissons. Ces géoglyphes, qui rappellent les images peintes sur les poteries, avaient probablement des fonctions rituelles (signes destinés aux dieux) et astronomiques (calendrier) ; on imagine que les prêtres organisaient de vastes processions et que le peuple parcourait les tracés en priant les divinités.
Les Nazca ont construit un vaste et ingénieux réseau d'aqueducs souterrains, acheminant les eaux de la nappe phréatique et ponctués de puits, encore utilisés et entretenus par les indigènes.
Après 20 ans d'efforts, l'équipe de l'Italien Giuseppe Orefici a fait émerger à Cahuachi, ancien centre de cérémonie, situé à 500 km de Lima, une partie du plus grand sanctuaire en adobe au monde, étendu sur 24 km², comportant 34 temples pyramidaux et dominé par une pyramide de 40 mètres de haut et sept terrasses.
Aux pieds de la grande pyramide formée d'adobe, de pierres et de branches, s'étendait une grande esplanade pour les cérémonies. A partir de la cinquième terrasse de l'édifice, percé d'escaliers et couloirs étroits, l'accès était limité aux prêtres qui poursuivaient leur ascension à travers des passages secrets.
Cahuachi était un centre politique, culturel et religieux où vivaient les hommes et femmes qui réalisèrent les énigmatiques lignes de Nazca. Selon les archéologues, Cahuachi était le centre cérémonial fermé et les lignes de Nazca, le site à ciel ouvert.
Selon M. Orefici, les prêtres traversaient le fleuve, effectuaient leur cérémonial et revenaient.
Le site de Cahuachi avait pour fonction d'unir le monde Nazca, qui englobait des peuples du désert, de la mer, des montagnes et de la forêt, ce qui explique la présence de baleines, de condors et singes dans les géoglyphes de Nazca. « C'était une civilisation avancée technologiquement, ce qui lui a permis de dessiner les lignes et de bâtir Cahuachi et la rénover pendant 800 ans ».
A Cahuachi, il y avait des milliers de prêtres et leurs assistants. Des sacrifices humains par décapitation étaient pratiqués.
Il semble que les Nazca vénéraient certaines divinités animales comme l'épaulard, le lézard, des félins, des oiseaux ou des serpents.
La déformation crânienne était pratiquée.
Quand les Incas arrivèrent dans la région au XVème siècle, la civilisation Nazca (200 avant JC à 600 après JC) avait disparu depuis huit siècles, sous l'effet d'un grand séisme suivi de pluies et inondations provoquées par le phénomène du Nino... Les Nazca avaient été aussi assujettis par les Huari venus du Nord.

Tiahuanaco

Le site bolivien de Tiahuanaco (Tiwanaku en aymara), près du lac Titicaca dans le Sud des hauts plateaux andins centraux, était peuplé en 800 av. J.-C.
Entre 200 et 700 apr. J.-C. environ, ce complexe urbain devint un grand centre cérémoniel de la période préclassique.
L'art et l'architecture de Tiahuanaco privilégiaient la rigueur et l'austérité : bâtiments et sculptures se caractérisaient par leur effet monumental et leur apparence monolithique.
La célèbre « Porte du Soleil » à Tiahuanaco, haute de 3,70 m et taillée dans un seul bloc de pierre, reproduit en son centre l'image du dieu principal, entouré d'une frise finement exécutée de divinités ailées.
Dispersées sur toute la superficie du site de Tiahuanaco, des statues monolithiques semblables à de puissants piliers et décorées de bas-reliefs atteignent jusqu'à 6 m de haut.
On pense que les Aymara sont les fondateurs de la cité antique de Tiahuanaco en Bolivie.
Du VIIe siècle avant notre ère à 1 200 apr. J.-C., le centre de l'Empire tiahuanaco occupait le haut plateau bolivien, près du lac Titicaca et était peuplé d'Indiens Aymara, Chiquito et Quechua. Puis, pendant la période allant du XIIIe au XVIe siècle, la région fut incorporée à l'Empire inca. Ces premières civilisations furent le foyer d'ères culturelles prédominantes.
Vaincus par les Incas, puis par les conquistadores espagnols en 1538, les Aymara ont conservé leur langue et leurs traditions. Evalués aujourd’hui à 1 million d’individus, ils vivent en petites communautés agraires.

L’empire Huari

Bien que partageant la même religion et la même iconographie, les Huari ou Wari (dont la métropole se trouve à Huari, dans la région de l'actuelle Lima), se distinguent de la civilisation de Tiahuanaco par leur organisation socio-économique.
En effet, comme la société Moché, la société Huari était une société guerrière.
Les sites urbains qui virent le jour furent donc entourés de hautes murailles et organisés pour abriter les élites dirigeantes.
Entre 750 et 1000 apr. J.-C. environ, l'empire Huari mit fin aux cultures régionales du Pérou, préparant ainsi l'unification culturelle de la période inca.
Pendant trois siècles, l'Empire huari rassembla une multitude de cités et domina les Andes.
Les cultures côtières huari produisirent des tissus de grande qualité.
Bien que moins raffinée que la céramique de Tiahuanaco, la poterie huari est caractérisée par une structure solide et une riche polychromie.

Les Incas

« Inca » (fils du Soleil) était le nom des souverains du peuple quechua (langue quechua ou quiché). Le terme désigne également la population de ce royaume, ainsi que les peuples amérindiens qui lui étaient soumis.
Organisés en dynastie, ils fondèrent vers 1200, à Cuzco (au Pérou actuel), un puissant empire qui, au XVe siècle, engloba le Pérou, l’Equateur et la Bolivie actuels, ainsi que le Nord de l’Argentine et du Chili. Leur empire fut anéanti par les conquistadores espagnols (1532-1572) qui surent dresser contre lui les tribus assujetties en leur promettant l’indépendance….

Les Incas furent surtout des bâtisseurs (taille parfaite des blocs de pierre) et des administrateurs : aqueducs, canaux d’irrigation, terrasses de culture, forteresses et palais (Machu Picchu) témoignent d’une étonnante maîtrise dans l’art de construire (sans utilisation de mortier) à partir de blocs de pierre pesant parfois plusieurs tonnes (forteresse de Sacsahuaman). Sites notables : Cuzco, Machu Picchu (« Vieux pic » en quechua) érigé vers 1450 par Pachacutec et Choquequirao, ultime bastion de résistance des fils du Soleil, qui y trouvèrent refuge après la défaite de Manco Capac II.

L’Empire inca était théocratique et rigoureusement organisé. Le droit d’hériter du trône pouvait être réclamé par le fils aîné de la Coya (reine légitime), choisie parmi les sœurs de l’Inca.

Les empereurs descendaient de deux enfants du Soleil : Manco Capac descendu des rives du lac Titicaca pour prendre possession de la vallée de Cuzco et enseigner aux hommes encore sauvages les bienfaits d'une vie civilisée (en particulier l’art de l’agriculture) et sa sœur Mama Oello qui initia les femmes aux secrets du tissage et du filage. De là partirent leurs successeurs, traversant à pied les hauts plateaux andins, longeant le lit desséché des torrents ou les interminables déserts de la côte, passant des sommets neigeux aux vallées tropicales, à la recherche de terres toujours nouvelles.
Selon une autre légende, ce sont des hommes blancs et barbus, venus du lac Titicaca, qui furent les grands civilisateurs.

Funérailles de l’Inca : les entrailles extraites du corps étaient déposées dans le temple de Tampu avec de la vaisselle et des bijoux (des serviteurs et des concubines, parfois jusqu’à mille, étaient immolés sur le tombeau) et le corps embaumé était assis sur une chaise d’or à côté des momies de ses ancêtres dans le grand temple du Soleil à Cuzco.

La société inca était hiérarchisée avec un système avancé d'échanges de services et de redistribution sociale. La noblesse se composait de deux ordres : celui des Incas qui s’honorait d’une origine commune avec l’empereur et les Curacas, caciques des nations soumises.
L’Empire, comme son nom l’indique (Tavantinsuyu : les 4 quartiers du monde) était divisé en 4 parties (4 grandes provinces administrées chacune par un vice-roi). Quatre grandes routes rayonnaient autour de la capitale Cuzco (partagée en 4 quartiers). L’empire était distribué en sections de 10 000 habitants gouvernées chacune par un membre de la noblesse inca qui contrôlait les officiers territoriaux. Le peuple était réparti en corps de 50, 100, 500 et 1000 habitants avec un officier pour chaque corps chargé de surveiller ses subordonnés ; il était également divisé en petits groupes de 10 personnes dont une avait la charge de surveiller les autres. Une commission d’inspecteurs parcourait le royaume pour examiner la moralité et la conduite des magistrats. Les lois étaient en petit nombre mais extrêmement sévères.
Le territoire de l’empire était réparti entre 3 propriétaires : le soleil, l’Inca et le peuple. Les revenus des terres du Soleil étaient consacrés aux temples, aux cérémonies et au clergé ; ceux des terres de l’Inca étaient destinés à la Maison royale et au gouvernement ; ceux du peuple étaient distribués à chaque sujet en portions égales. Quand un mariage avait lieu, la communauté fournissait au couple une habitation et un lot de terre. Chaque année, on révisait le partage du sol en fonction des membres de la famille. La famine était inconnue des Incas.

Le dieu inca suprême était Viracocha ou Pachacamac, créateur et souverain de tout être vivant.
Les autres divinités importantes étaient Inti le dieu du Soleil, Illapa dieu des Phénomènes Météorologiques et du Tonnerre, Mama Killa déesse de la Lune épouse et sœur d’Inti et mère de la race inca, Vénus adorée comme « page du Soleil » sous le nom de Chasca « le jeune homme aux cheveux longs et bouclés », Cuichu dieu de l’arc-en-ciel, Mère Mer déesse de la mer, Pacha Mama, Mère Terre et Mama Coca.
Ancêtre divin de la famille royale, Inti était une divinité purement inca au centre de nombreux rites étatiques : d'après l'idéologie de cette civilisation, l'empereur était le fils du Soleil. On représentait d'ailleurs Inti sous la forme d'un grand disque en or à visage humain, entouré de rayons solaires. On le célébrait dans le grand temple du Soleil ou au Coricancha de Cuzco, où son image éclatante était flanquée de momies d'empereurs morts richement vêtues et entourée de murs couverts de feuilles d'or sacré : la sueur du Soleil.
A la tête de tout le clergé du pays se trouvait le Villac Vmu (le grand prêtre) ; seul l’Inca était au-dessus de lui. Les Aclla ou femmes choisies, également appelées « vierges du Soleil », occupaient une place particulière dans la religion inca. Surveillées par des femmes plus âgées, les Mama Cuna, ces jeunes personnes étaient attachées au culte d'Inti et servaient la famille royale. Cloîtrées dans des couvents (acllahuasi) dès l'âge de huit ans, elles fabriquaient des vêtements, préparaient de la nourriture, la bière de mais pour l'Inca et ses proches, et gardaient le feu sacré de l'Inti Raïmi- fête du Soleil qui se déroulait pendant le solstice d’été. Les Aclla étaient aussi les fiancées de l'Inca (arrivées à l’âge nubile, les plus belles étaient transférées au sérail de l’empereur) ; certaines pouvaient devenir les épouses de dignitaires étrangers avec lesquels l’Inca souhaitait cimenter des alliances politiques.

Souverains intelligents, les Incas, avant toute expédition militaire, se faisaient précéder d'une ambassade qui proposait de grands bénéfices à la province à conquérir, en échange d'un acte de soumission pacifique. S'ils ne parvenaient pas à obtenir ce qu'ils demandaient, leur férocité se déchaînait. Des tribus entières étaient massacrées. Dans le triomphe de l'Inca vainqueur, les soldats défilaient à Cuzco, portant sur des piques la tête des ennemis vaincus. Ceux qui avaient causé l'ire particulière de l'empereur étaient écorchés et transformés en tambours « qui conservaient la forme humaine de sorte que le mort semblait battre son ventre avec les baguettes tenues de ses mains. » Avec les crânes ils faisaient des coupes doublées d'or où ils buvaient la chica, la bière de maïs qui était la boisson nationale inca (Atahualpa en avait une du genre, faite avec le crâne de son frère qui s'était vanté un jour qu'il boirait dans la tête de l'empereur). Avec les dents des vaincus on faisait des colliers.

L’année de 12 mois lunaires commençait au solstice d’hiver. Les cérémonies et rituels incas, nombreux et souvent très élaborés, étaient principalement liés à l’agriculture et à la santé. La constellation des Pléiades jouait un rôle de premier plan dans le système cosmogonico-religieux des Incas. Divinisées pour leur lien avec le cycle agraire, elles étaient honorées par des sacrifices humains où des victimes volontaires se jetaient dans un précipice. Elles étaient considérées comme les gardiennes des moissons, les maîtresses de la maturité des fruits, qui veillaient sur le mais pour qu'il ne se dessèche pas. Elles étaient, d'autre part, les divinités protectrices contre les maladies et spécialement le paludisme.
La pluie est jetée sur la terre par Illapa, qui la puise dans la Voie Lactée, grand fleuve du ciel.
L'association symbolique Lune/Eaux Premières Pluies/Purifications apparaît clairement dans les cérémonies célébrées chez les Incas à l'occasion de la fête de la Lune (Coya Raïmi, du 22 septembre au 22 octobre). Ce mois marquant la fin de la saison sèche, les étrangers, les malades et les chiens étaient chassés de la ville de Cuzco, avant que commencent les cérémonies pour appeler les premières pluies.

Lors des cérémonies les plus importantes, des animaux, voire des humains, étaient sacrifiés. Les sacrifices humains (un garçon ou une jeune fille), plutôt rares, étaient pratiqués à l'occasion de grands événements publics (couronnement, naissance d’un héritier du trône, grande victoire) ou lors de périodes de grands troubles (maladie ou mort de l'inca, catastrophes naturelles) ; ils n’étaient jamais suivis de ces repas de cannibales familiers aux Mexicains.

Selon une chronique, les habitants de Chincha-Suyu, la partie Nord-ouest de l'Empire des Incas, plaçaient dans la bouche de leurs morts des feuilles de coca, de l'argent et de l'or.

Les Incas employaient le tabac uniquement en médecine et sous forme de prise. Ils mâchaient les feuilles de la cuca (coca) pour ses propriétés narcotiques.

Sur les pentes des Cordillères, au-delà des limites du maïs et du quinoa (sorte de riz), était cultivée la pomme de terre, production principale des plaines élevées.
Le quinoa est appelé chisya mama (la mère de tous les graines) en quechua ; l'Empereur lui-même semait la première graine de l'année avec des outils en or. Aujourd'hui, le quinoa (Chenopodium quinoa), riche en éléments nutritifs, a conquis les marchés des pays riches.

Les Incas obtenaient de l’alpaca, du huanaco et de la vicuna, une toison de laine appropriée au climat froid du plateau. Ils utilisaient le lama comme bête de somme.

Objets : bois (gobelets), métallurgie (bijoux, outils), vases et petites lames en argent, ponchos, tissus de Paracas, céramique, orfèvrerie, balances d’argent.

Les Incas avaient une écriture (décelée sur étoffes de momies et décors de vases funéraires), ils employaient des cordelettes à nœuds (quipu) pour la comptabilité mais ignoraient la roue.

- Chronologie :
1200 : naissance de l'Empire Inca, qui s'installe sur les restes de l'Empire Huari et fonde sa capitale : Cuzco.
1400-1438 : règne de Viracocha Inca. Pachacutec, fils de Viracocha Inca, bat les Chancas.
1438-1471 : règne de Pachacutec, il fonde le véritable empire Inca. Il reconstruit la capitale, le Quechua devient la langue officielle de l'Empire, et impose le culte du Soleil.
1471-1527 : extension de l'empire qui englobe le Pérou, l'Équateur et la Bolivie actuels, ainsi que le nord de l'Argentine et du Chili.
1528-1532 : une guerre civile oppose les deux fils de l'empereur Huayna Capac : Huascar Capac et Atahualpa. Huascar est capturé par les généraux d'Atahualpa et assassiné.
1532 : à Cajamarca (Pérou), Atahualpa jette à terre la Bible que lui remet un prêtre espagnol : aussitôt, Francisco Pizarro et ses conquistadores espagnols donnent du canon, chargent la foule prise de panique et capturent l’Inca.
1533 : 29 août, Cajamarca (Pérou), Atahualpa (détenu par les Espagnols malgré le versement d’une énorme rançon en or, et condamné au bûcher pour polygamie, grave infraction à la loi espagnole mais pratique normale pour la civilisation Inca) est garrotté (car il a accepté finalement de se convertir) après avoir été baptisé.
Pizarro permet à Manco Capac de monter sur le trône (Manco Capac II conduira une révolte contre les Espagnols, mais, vaincu, il sera assassiné par traîtrise en 1545 par un conquistador, le fils de Diego de Almagro).
Entrée des Espagnols à Cuzco qu’ils mettent à sac et détruisent ; construction de Lima, la nouvelle capitale.
1572 : 24 septembre, à Cuzco, les Espagnols décapitent le dernier prétendant au trône inca, Túpac Amaru, fils de Manco Capac, condamné pour haute trahison.

La domination espagnole, imposée en quelques mois à l’empire inca, immense et structuré, répond à une logique à la fois religieuse, militaire, politique et économique :
- religieuse, car le messianisme de la religion inca reconnaissait dans les hommes blancs les demi-dieux qui devaient venir sauver le monde.
- militaire, car l’utilisation de la poudre par les conquistadores suscita un sentiment de terreur intense chez les Incas.
- politique, surtout, car Pizarro sut utiliser les rivalités des élites incas pour imposer sa puissance ; il bénéficia également de la démesure de l’empire qui devait faire face aux rébellions des ethnies mal pacifiées auxquelles il promit une indépendance qu’il ne leur accordât évidemment pas.
- économique enfin, car le même souci de préserver les richesses et les potentialités agricoles de l’Empire inca incita les Espagnols à récupérer la pratique des corvées qu’ils connaissaient bien en Europe ; ainsi la rupture entre l’Empire inca et le domaine espagnol ne fut pas complète.

Malgré l’engloutissement de la civilisation inca sous des siècles de domination européenne et chrétienne, le souvenir du combat des Incas demeure encore vivace et le peuple quechua attend l’arrivée des vrais « Viracocha ».

Les Chinchorros

Les Chinchorros, de la côte du nord du Chili, vécurent principalement de la pêche pendant plus de 5000 ans (entre 5500 et 500 ans avant notre ère). On ignore comment ils s’appelaient. Leur nom provient de la plage où l’on a retrouvé des vestiges de leur culture (chinchorro signifiait « filet de pêche » en espagnol ancien).
Ils furent les premiers à créer des momies plusieurs millénaires avant les Égyptiens : ils vidaient les corps avant de les remodeler.

Culture de Tafí

La culture de Tafí (env. 500 av. J.-C.- 600 apr. J.-C.) appartient à l’ensemble des premières cultures d’agriculteurs céramistes du Nord-ouest argentin. Cette période est caractérisée par l’apparition d’installations villageoises stables et d’un artisanat développé (céramique, sculpture sur pierre et textile).
C’est sur le site de Tafí del Valle (province de Tucumán, Argentine), qu’ont été découverts les vestiges les plus abondants et les plus représentatifs de cette culture. Il s’agit de grands monolithes entourant un monticule artificiel. Les monolithes, hauts parfois de plus de 3 mètres, sont sculptés en bas relief ou gravés de motifs zoomorphes ou anthropomorphes stylisés. On y retrouve souvent la figure d’un félin (le jaguar ?), associée ou combinée à celle d’un serpent, les deux possédant aussi des traits humains.
La tradition culturelle de Tafí a également produit des masques de pierre sculptée en bas relief de traits humains très stylisés et, particulièrement dans la région proche de Alamito (province de Catamarca), d’étranges sculptures : des silhouettes anthropomorphes extrêmement stylisées dans lesquelles le visage renversé en arrière, les bras levés vers la tête suggèrent une attitude d’imploration, d’où le nom de « suppliants » qui leur a été donné par les archéologues. Ces œuvres en pierre n’ont aucun équivalent parmi les réalisations artistiques de l’aire andine préhispanique.

Voir Liste des Nations ; Cartes.

LANGUES AMERINDIENNES

Bien que les indigènes eussent été relativement peu nombreux, le nombre des langues parlées était très élevé. Les chroniques de l'époque parlent de 900 idiomes, cependant leur nombre a été évalué à environ 150, une partie d'entre eux appartenant à quelques grandes familles linguistiques.
Un tel morcellement s'explique par la dispersion des groupes ethniques sur de vastes territoires.
Malgré le riche patrimoine de mythes et de légendes, seules quelques langues amérindiennes, comme le nahuatl et le maya, ont présenté une écriture idéographique au moyen de laquelle ont été composés de nombreux textes littéraires, détruits en grande partie par les Européens.

Principales familles linguistiques :

- l'eskimo-aléoute, qui comprend les idiomes parlés à l'extrême nord du continent et dans les îles Aléoutiennes (parmi d'autres idiomes, certaines analogies ont été prouvées entre l'esquimau et les langues finno-ougriennes) ;
- le na-déné, autrefois parlé à l'Est de l'Alaska et au nord-ouest du Canada jusqu'à la baie de Hudson : la langue des Athapascans (athabasque) étant la plus importante ;
- l'algonkin-wakash, qui regroupe les langues des populations autrefois dispersées du Canada occidental à l'actuel État du Maine et au nord-ouest des Etats-Unis (il comprend, entre autres, les langues des Cheyennes, Siksikas, Salishs, Chippeways, Creeks) ;
- l'hoka(n)-sioux, qui regroupe les langues parlées de la Californie septentrionale à la région des Grands Lacs et, au sud, le long du bassin du Mississippi jusqu'en Floride (les plus connues sont les langues des Sioux, des Iroquois, des Muskogee, des Caddo et des tribus s'étendant de la Basse Californie au Texas) ;
- le penutia ou pénutien, comprenant des langues parlées par de nombreux groupes indigènes de l'ouest des États-Unis (notamment les Tsimshian, Chinook, Coos et Kutenai) qui constituent une mosaïque de populations nomades. La plupart des langues pénutiennes sont aujourd’hui éteintes ; les autres sont à la veille de l'extinction.
- l'uto-aztèque-tano, qui réunit les langues parlées autrefois au Mexique, mais apparaissant jusqu'en Californie et, au sud, jusqu'à Panamá (parmi elles, on distingue le nahuatl dont fait partie l'aztèque classique) ;
- le maya-zoque, parlé du sud du Mexique au Nicaragua, et auquel se rattache la langue des Mayas ;
- le chibcha, parlé de l'Amérique centrale à l'Équateur ;
- le quechua, parlé de l'Équateur au nord du Chili ;
- l'arawak, qui, avec le caribe, était parlé en Amazonie et jusqu'aux Antilles ;
- le tupi-guarani, parlé par des populations amazoniennes établies à l'est du Brésil ;
- le gé, ensemble de langues archaïques parlées dans la moitié orientale du plateau brésilien ;
- l'aymara, dans la région du lac Titicaca ;
- l'alakaluf, dans l'extrême sud de l'Amérique.
La plupart des langues qui sont aujourd'hui identifiées ne sont parlées que par un seul groupe ethnique restreint.
Les autres (par exemple l'araucan, le guaykurú, le mixtèque, le chinantèque et le zapotèque) sont constituées par plusieurs idiomes existant sous forme de dialectes locaux.

Classement de Gleason

Le classement de Gleason répartit les langues des Amérindiens du Nord en douze familles linguistiques :
- eskimo-aléoute ;
- algonkin ;
- natchez-muskogee ;
- iroquois ;
- sioux ;
- caddo ou caddoan ;
- tunica ou tunican parlé par les Chitimacha de Louisiane ;
- mosan parlé par les Wakash, Kwakiutl, Nootka, Salish ;
- hokan ;
- maya ;
- uto-aztèque ;
- athabasque.


LE CANNIBALISME CHEZ LES AMERINDIENS

Le terme "cannibal" provient du mot espagnol caníbal, altération de l’arawak cariba signifiant « hardi, courageux » et désignant les Indiens Caraïbes qui avaient la réputation de manger des êtres humains et vivaient dans les Antilles à l'arrivée de Christophe Colomb (1492).
Lors du deuxième voyage de Colomb en Amérique (1493-96), le médecin de l’expédition, Diego Alvarez Chanca, rédigea ce qui est le premier récit ethnographique consacré aux peuples du Nouveau Monde. Chez les Indiens Caraïbes, les Espagnols trouvèrent quantité d’ossements humains. Chanca écrivit : “Ils (les Indiens, ndlr) prétendent que la chair de l’homme est si bonne à manger que rien au monde ne peut lui être comparé.” 8
Isabelle la Catholique, en 1503, puis Ferdinand d’Aragon, en 1512, ne permirent de réduire en esclavage que les Amérindiens cannibales.

Le cannibalisme était pratiqué par de nombreux Indiens d'Amérique du Nord. Voir dossier.

LES AMAZONES

Le père Gaspar de Carvajal, chroniqueur d’Orellana, rapporte que Francisco de Orellana fut attaqué, le 24 juin 1542, lors d’une escale près de l’actuelle ville d’Obido (Brésil), par les « guerrières Comapuyara », équipées d’arcs et de flèches. Ces guerrières évoquèrent à l’explorateur espagnol les Amazones de la mythologie grecque et il donna leur nom au fleuve.
A noter que le peuple Kamayura du Bassin de l'Amazone (Brésil) prétend descendre des Amazones.

Charles-Marie de La Condamine, descend l'Amazone en 1743. Dans Voyage sur l’Amazone, il raconte :
«Dans le cours de notre navigation, nous avions questionné partout les Indiens des diverses nations, et nous nous étions informé : d'eux avec grand soin s'ils avaient quelque connaissance de ces femmes belliqueuses qu'Orellana prétendait avoir rencontrées et combattues, et s'il était vrai qu'elles vivaient éloignées du commerce des hommes, ne les recevant parmi elles qu'une fois l'année, comme le rapporte le père d'Acuna dans sa relation où cet article mérite d'être lu par sa singularité. Tous nous dirent qu'ils l'avaient ouï raconter ainsi à leurs pères, ajoutant mille particularités, trop longues à répéter, qui toutes tendent à confirmer qu'il y a eu dans ce continent une république de femmes qui vivaient seules sans avoir d'hommes parmi elles, et qu'elles se sont retirées du côté du nord, dans l'intérieur des terres, par la rivière Noire ou par une de celles qui descendent du même côté dans le Maranon.
Un Indien de Saint-Joachin d'Omaguas nous avait dit que nous trouverions peut-être encore à Coari un vieillard dont le père avait vu les Amazones 5. Nous apprîmes à Coari que l'Indien qui nous avait été indiqué était mort ; mais nous parlâmes à son fils, qui paraissait âgé de soixante-dix ans et qui commandait les autres Indiens du même village. Celui-ci nous assura que son grand-père avait, en effet, vu passer ces femmes à l'entrée de la rivière de Cuchiuara, qu'elles venaient de celle de Cayamé, qui débouche dans l'Amazone du côté du sud entre Tefé et Coari ; qu'il avait parlé à quatre d'entre elles, dont une avait un enfant à la mamelle ; il nous dit le nom de chacune d'elles ; il ajouta qu'en partant de Cuchiuara elles traversèrent le grand fleuve et prirent le chemin de la rivière Noire. J'omets certains détails peu vraisemblables, mais qui ne font rien au fond de la chose. Plus bas que Coari, les Indiens nous dirent partout les mêmes choses avec quelques variétés dans les circonstances ; mais tous furent d'accord sur le point principal.
En particulier, ceux de Topayos, dont il sera fait mention en son lieu plus expressément, ainsi que de certaines pierres vertes connues sous le nom de pierres des Amazones, disent qu'ils en ont hérité de leurs pères et que ceux-ci les ont eues des Cougnantain Secouima, c'est-à-dire en leur langue des femmes sans mari, chez lesquelles, ajoutent-ils, on en trouve une grande quantité.
Un Indien, habitant de Mortigura, mission voisine du Parà, m'offrit de me faire voir une rivière par où on pouvait remonter selon lui jusqu'à peu de distance du pays actuellement, disait-il, habité par les Amazones. Cette rivière se nomme Irijo, et j'ai passé depuis à son embouchure, entre Macapá et le cap de Nord. Selon le rapport du même Indien, à l'endroit où cette rivière cesse d'être navigable à cause des sauts, il fallait, pour pénétrer dans le pays des Amazones, marcher plusieurs jours dans les bois du côté de l'ouest et traverser un pays de montagnes.
Un vieux soldat de la garnison de Cayenne, aujourd'hui habitant proche des sauts de la rivière d'Oyapoc, m'a assuré que dans un détachement dont il était, qui fut envoyé dans les terres pour reconnaître le pays en 1726, ils avaient pénétré chez les Amicouanes, nation à longues oreilles qui habite au-delà des sources de l'Oyapoc et prés de celles d'une autre rivière qui se rend dans l'Amazone, et que là il avait vu au col de leurs femmes et de leurs filles de ces mêmes pierres vertes dont je viens de parler ; et que, ayant demandé à ces Indiens d'où ils les tiraient, ceux-ci lui répondirent qu'elles venaient de chez les femmes qui n'avaient point de mari, dont les terres étaient à sept ou huit journées plus loin du côté de l'occident. Cette nation des Amicouanes habite loin de la mer dans un pays élevé, où les rivières ne sont pas encore navigables ; ainsi ils n'avaient vraisemblablement pas reçu cette tradition des Indiens de l'Amazone, avec lesquels ils n'avaient pas de commerce : ils ne connaissaient que les nations contiguës à leurs terres, parmi lesquelles les Français du détachement de Cayenne avaient pris des guides et des interprètes.
II faut d'abord remarquer que tous les témoignages que je viens de rapporter, d'autres que j'ai passé sous silence, ainsi que ceux dont il est fait mention dans les informations faites en 1726 et depuis par deux gouverneurs espagnols de la province de Venezuela, s'accordent en gros sur le fait des Amazones ; mais ce qui ne mérite pas moins d'attention, c'est que, tandis que ces diverses relations désignent le lieu de la retraite des Amazones américaines les unes vers l'orient, les autres au nord et d'autres vers l'occident, toutes ces directions différentes concourent à placer le centre commun où elles aboutissent dans les montagnes au centre de la Guyane et dans un canton où les Portugais du Parà ni les Français de Cayenne n'ont pas encore pénétré. Malgré tout cela, j'avoue que j'aurais bien de la peine à croire que nos Amazones y fussent actuellement établies sans qu'on eût de leurs nouvelles plus positives, de proche en proche, par les Indiens voisins des colonies européennes des côtes de la Guyane ; mais cette nation ambulante pourrait bien avoir encore changé de demeure ; et ce qui me paraît plus vraisemblable que tout le reste, c'est qu'elles aient perdu avec le temps leurs anciens usages, soit qu'elles aient été subjuguées par une autre nation, soit qu'ennuyées de leur solitude les filles aient à la fin oublié l'aversion de leurs mères pour les hommes. Ainsi, quand on ne trouverait plus aujourd'hui de vestiges actuels de cette république de femmes, ce ne serait pas encore assez pour pouvoir affirmer qu'elle n'a jamais existé. D'ailleurs, il suffit pour la vérité du fait qu'il y ait eu en Amérique un peuple de femmes, qui n'eussent pas d'hommes vivants en société avec elles. Leurs autres coutumes, et particulièrement celle de se couper une mamelle, que le père d'Acuna leur attribue sur la foi des Indiens, sont des circonstances accessoires et indépendantes et ont vraisemblablement été altérées, et peut-être ajoutées, par les Européens préoccupés des usages qu'on attribue aux anciennes Amazones d'Asie ; et l'amour du merveilleux les aura fait depuis adopter aux Indiens dans leurs récits. En effet, il n'est pas dit que le cacique qui avertit Orellana de se garder des Amazones, qu'il nommait en sa langue Comapuyaras, ait fait mention de la mamelle coupée, et notre Indien de Coari dans l'histoire de son aïeul qui vit quatre Amazones, dont une allaitait actuellement un enfant, ne parle point non plus de cette particularité si propre à se faire remarquer.
Je reviens au fait principal. Si, pour le nier, on alléguait le défaut de vraisemblance et l'espèce d'impossibilité morale qu'il y a qu'une pareille république de femmes put s'établir et subsister, je n'insisterais pas sur l'exemple des anciennes Amazones asiatiques 6, ni des Amazones modernes d'Afrique 7, puisque ce que nous en lisons dans les historiens anciens et modernes est au moins mêlé de fables et sujet à contestation. Je me contenterais de faire remarquer que si jamais il y a pu avoir des Amazones dans le monde, c'est en Amérique, où la vie errante des femmes qui suivent souvent leurs maris à la guerre, et qui n'en sont pas plus heureuses dans leur domestique, a dû leur faire naître l'idée et leur fournir des occasions fréquentes de se dérober au joug de leurs tyrans en cherchant à se faire un établissement où elles pussent vivre dans l'indépendance, et du moins n'être pas réduites à la condition d'esclaves et de bêtes de somme. Une pareille résolution prise et exécutée n'aurait rien de plus extraordinaire ni de plus difficile que ce qui arrive tous les jours dans toutes les colonies européennes d'Amérique, où il n'est que trop ordinaire que des esclaves maltraités ou mécontents fuient par troupes dans les bois et quelquefois seuls, quand ils ne trouvent pas à qui s'associer, et qu'ils y passent ainsi plusieurs années et quelquefois toute leur vie dans la solitude.
Je sais que tous ou la plupart des Indiens de l'Amérique méridionale sont menteurs, crédules, entêtés du merveilleux ; mais aucun de ces peuples n'a jamais entendu parler des Amazones de Diodore de Sicile et de Justin. Cependant, il était question d'Amazones parmi les Indiens du centre de l'Amérique avant que les Espagnols y eussent pénétré, et il en a été fait mention depuis chez des peuples qui n'avaient jamais vu d'Européens. C'est ce que prouve l'avis donné par le cacique à Orellana et à ses gens, ainsi que les traditions rapportées par le père d'Acuna et par le père Baraze. Croira-t-on que des sauvages de contrées éloignées se soient accordés à imaginer, sans aucun fondement, le même fait ; et que cette prétendue fable ait été adoptée si uniformément et si universellement à Maynas, au Parà, à Cayenne, à Venezuela, parmi tant de nations qui ne s'entendent point et qui n'ont aucune communication ?
Au reste, je n'ai pas fait ici l'énumération de tous les auteurs et voyageurs de toutes les nations de l'Europe qui depuis plus de deux siècles ont affirmé l'existence des Amazones américaines, et dont quelques-uns prétendent les avoir vues. Je me suis contenté de rapporter les nouveaux témoignages que nous avons eu occasion, M. Maldonado et moi, de recueillir dans notre route. »

LIGUES DE NATIONS

Les Cinq Nations Iroquoises et la Ligue des Six Nations

Tribus ayant formé les « 5 nations iroquoises » (Etat de New York) : Mohawk (ou Agniers), Oneida, Onondaga, Cayuga (ou Cyuga) et Seneca.
Unies aux Tuscarora, elles constituèrent la « Ligue des Six Nations » (Haudenosaunees) gouvernée par les sachems (conseils des sages).

La Constitution des Cinq Nations inspira Benjamin Franklin pour les articles de la Confédération.
«Nous vous couronnons de l'emblème sacré des andouillers du cerf, l'emblème de notre Suzerain. Désormais vous serez un guide du peuple des Cinq Nations. L'épaisseur (la couche) de votre peau atteindra sept empans (1 m 60 env.), ce qui veut dire que vous serez empli de paix et de bienveillance et que votre esprit sera plein du désir du bien-être du peuple de la Confédération. C'est avec une infinie patience que vous ferez votre devoir, tempérant votre fermeté par de la tendresse pour votre peuple. Ni la colère ni la fureur ne se glisseront jamais dans votre esprit et tous vos discours comme vos actions seront marquées du sceau du calme et de la circonspection. Tant dans les délibérations du Conseil que dans vos efforts pour édicter des lois que dans vos actes officiels, l'intérêt personnel doit être oublié. En revanche ne négligez pas les avertissements d'autrui, s'ils venaient à vous reprocher telle ou telle erreur mais retournez à la voie de la Grande Loi, qui est juste et droite. Ayez des yeux et des oreilles dans l'intérêt du bien-être de votre peuple tout entier. Ne vous limitez pas au présent mais ayez la vision des générations à venir, même de celles dont les visages sont encore sous la surface de la terre - les non encore nés de la future Nation. » (Constitution des Cinq Nations)
«Les seigneurs (chefs) Onondaga (Iroquois) ouvriront chaque conseil en souhaitant la bienvenue à leurs cousins et en leur exprimant leur gratitude. Ils rendront grâce à la terre sur laquelle habitent tous les peuples. Ils rendront grâce aux courants, aux flaques, aux cascades et aux lacs, au maïs et aux fruits. Aux herbes médicinales et aux arbres, aux arbres des forêts pour leur utilité, aux animaux qui servent de nourriture et qui offrent leurs dépouilles pour que nous fabriquions des vêtements. Ils rendront grâce aux grands vents et aux vents mineurs ; aux Tonnerres ; au soleil le puissant guerrier, à la lune. Aux messagers du Grand Esprit qui demeure dans le ciel au-dessus de nous, qui nous donne tout ce dont les hommes ont besoin, source et régulateur de la santé et de la vie. Alors seulement, les seigneurs Onondaga déclareront le conseil ouvert. » (Constitution iroquoise)
«Que quiconque appartenant à la Nation lui prête son concours en faisant preuve d'une compétence spéciale, qu'il fasse montre de l'intérêt qu'il porte aux affaires de la Nation ; s'il s'avère qu'il est sage, honnête et digne de confiance, les Seigneurs de la Confédération peuvent l'élire pour qu'il siège au Conseil à leurs côtés. Il sera proclamé nouveau Pin érigé pour la Nation et installé en tant que tel à la prochaine assemblée pour l'installation des Seigneurs. Qu'il vienne à agir contrairement aux règles de la Grande Paix, il ne sera pas déposé de sa fonction - personne ne l'abattra - mais tout le monde restera sourd à sa voix et à ses conseils. S'il vient à renoncer à son siège et à son titre, personne ne l'en empêchera. Un chef Pin n'a aucune autorité pour nommer son successeur de même que son titre n'a aucune nature héréditaire. » (Constitution des Cinq Nations)

En 1778, La Fayette fit alliance avec les Six Nations qui lui donnèrent le nom iroquois de Kayewla (Guerrier intrépide).

En 1923, le chef Deskaheh, représentant la Confédération des Six Nations, se rendit du Canada à Genève, au siège de la Société des Nations mais celle-ci refusa de l’entendre...
Quelques mois avant sa mort en 1925, il prononça son dernier discours à Rochester, dans l’État de New York, proclamant que la Confédération des Six Nations d’Iroquois est la plus ancienne Société des Nations et que « Il s’agit d’une Société qui existe toujours et tente, par tous les moyens possibles, de défendre les droits des Iroquois de vivre selon leurs propres lois sur les territoires qui leur restent, de vénérer leur Grand Esprit comme ils l’entendent et d’exercer les droits qui sont les leurs, tout comme ceux reconnus de l’homme blanc ».

Les Cinq Nations Civilisées

Tribus ayant formé les « Cinq Nations Civilisées » : Cherokee, Choctaw, Chickasaw, Creek et Séminoles.
Les 5 tribus civilisées et les Natchez sont des Muskhogee.

CARTES













MYTHOLOGIE AMERINDIENNE

Mythes des Indiens d’Amérique du Nord

- Les mythes de la création :

La plupart des Amérindiens attribuent la conception de l'univers, si ce n'est sa fabrication, à un être suprême ou Grand Esprit appelé Gitchi Manitou chez les Algonkins et Wakan Tanka chez les Lakota. Bien que celui-ci soit profondément vénéré, c'est cependant un être trop discret ou suffisamment effacé pour que l'on puisse le considérer comme une personnalité distincte. Son rôle dans les mythes ne consiste souvent qu'à créer des personnages mieux définis, comme Mère Terre et Père Ciel, ou bien Soleil et Lune, divinités largement répandues et assumant les actes de création ultérieurs tandis que lui-même s'isole aux cieux. Ces personnages contribuent parfois également à la création des êtres humains.
La plupart des récits de création font intervenir des figures animales au nombre des divinités actives : dans diverses régions de l'Ouest, par exemple, Araignée a tissé une toile qui est devenue la terre. Mais le mythe de création de loin le plus fréquent est celui d'Oiseau Plongeon, créature souvent inférieure qui plongea au fond de la mer primordiale pour en rapporter de la boue ; celle-ci s'est ensuite épaissie pour former la terre. Le monde est souvent décrit comme posé sur le dos d'une tortue, représentation commune aux mythologies des régions des forêts de l'Est (ci-contre). Comme les mythes du déluge qui apparaissent dans nombre de récits de création, ce type de mythe a son parallèle en Eurasie, ce qui laisserait supposer une migration de l'Est vers l'Ouest.
La création du premier peuple est généralement attribuée à une ou plusieurs divinités impliquées dans la création du monde.
Les Pawnee expliquent par exemple comment leur divinité primordiale, Tirawa (l'Arche du Paradis), ordonna aux dieux Soleil et Lune de s'accoupler pour créer le premier homme, tandis qu'Etoile du Matin et Etoile du Soir devaient créer la première femme.
Chez certains peuples du Sud-ouest, la divinité suprême a créé les dieux Mère Terre et Père Ciel qui, à leur tour, s'unirent pour créer les premiers êtres vivants, dont les hommes.
Selon les Hopi, des divinités jumelles créèrent d'abord les animaux puis modelèrent dans l'argile les humains avant de leur insuffler la vie en exécutant un chant rituel.
Selon les Iroquois et les Hurons des régions boisées de l'Est, le premier ancêtre humain fut une femme, Aataensic, issue du peuple du Ciel composé de divinités venues sur terre.
Les Navajos croient également que les êtres humains descendent d'un ancêtre féminin.
Pour les peuples organisés en sociétés de type agraire tels que les Pueblo et certains peuples des plaines, l'apparition des êtres humains, des animaux et des végétaux est due à la Terre, décrite comme une mère toute puissante, fertile et nourricière.
Tous les récits incluent un enseignement moral. Les manquements des hommes les ont condamnés à périr dans les mondes inférieurs. Les rares survivants continuèrent donc leur route vers le haut, jusqu'au point d'émergence qui les vit se disperser pour peupler la surface de la terre.
En fonction du lieu de narration du mythe, le peuple est dirigé vers le haut soit par Mère Maïs ou par Femme Araignée (divinités représentant toutes deux la terre), soit par des dieux jumeaux, ou parfois encore par un héros. 9

- Les mythes des plaines :

Les peuples des plaines ont donné au monde l'image traditionnelle du mode de vie des Indiens d'Amérique du Nord.
Ces guerriers nomades vivaient dans des campements de tipis, et chassaient le gros gibier, notamment les gigantesques troupeaux de bisons dont ils suivaient les migrations à travers les vastes prairies qui s'étendaient du Canada au sud du Texas.
Le style de vie de ces peuples connut son apogée durant les deux siècles qui suivirent l'introduction du cheval par les Espagnols vers l'an 1600, avant de subir un déclin inéluctable au cours du XIXe siècle à mesure que les colons européens les repoussaient inexorablement vers l’ouest et que les bisons étaient chassés jusqu'à leur quasi-disparition.
Plusieurs mythes des plaines présentent des caractéristiques communes avec ceux des régions boisées de l'Est, car un certain nombre de peuples, comme les Cheyennes, émigrèrent de l'Est sous la pression des premiers colons européens.
Comme dans les régions boisées, la croyance en un Grand Esprit, tout puissant et lointain, est largement répandue. Celui-ci est désigné sous divers noms, par exemple Wakan Tanka (Grand Mystère) chez les Lakota et Tirawa chez les Pawnee.
Son pouvoir se manifeste par l'intermédiaire de plusieurs dieux fondamentaux, en particulier Soleil, Lune, Etoile du Matin, Vent et Oiseau Tonnerre.
La mythologie des plaines reflète les caractéristiques d'un paysage uniforme dominé par la vaste étendue du ciel. Le pouvoir du soleil était reconnu par l'exécution de la danse du Soleil. Particulièrement puissante, Etoile du Matin est figurée sous les traits d'un jeune homme répandant la vie sur terre.
De nombreux mythes décrivent la rencontre d'ancêtres humains avec des esprits leur dispensant des connaissances pour chasser et survivre, et certains récits rendent compte de l'origine d'objets rituels fondamentaux, comme le paquet-médecine du chaman ou les calumets sacrés.
Fumer le calumet sacré est l’un des rites les plus anciens et les plus répandus parmi les peuples des plaines. Accompli de manière collective, il confirme les liens qui unissent famille, tribu et univers.
Les tricksters, qui font également l'objet de maintes légendes, sont souvent appelés Vieil Homme Coyote ou Araignée (Inktomi) chez les Lakota. 9

- L’Oiseau Tonnerre :

L’esprit de Tonnerre se manifeste sur terre sous l'aspect de l’Oiseau Tonnerre. Les yeux ou le bec de cette énorme créature semblable à un aigle lancent des éclairs, tandis que le battement de ses ailes se fait entendre dans les coups de tonnerre. On lui attribue un terrifiant pouvoir, à la fois créateur et destructeur.
Chez les Lakota, Wakinyan, l'Oiseau Tonnerre, est un dieu auxiliaire, une manifestation de l'être suprême auquel on voue un culte important fondé sur la rencontre personnelle avec celui-ci.
Pour les Iroquois, il revêt une forme humaine sous les traits de Hino, l'Esprit Tonnerre gardien du ciel.
Sur la côte nord-ouest, Oiseau Tonnerre, un des principaux dieux du Ciel, est si gigantesque qu'il est capable d'emporter dans ses serres les baleines qu'il chasse. Les peuples de l'Ouest croient qu'il existe 4 Oiseaux Tonnerre, un pour chaque côté du monde. Dans cette aire culturelle, comme dans les autres, Oiseau Tonnerre mène une lutte incessante contre les esprits malveillants ou les serpents du Monde Souterrain tels que la panthère sous-marine. Leurs combats provoquent les phénomènes naturels les plus violents, tremblements de terre, inondations et autres ouragans.
Les Indiens d’Amérique croient que tout ce qui est frappé par l'éclair de l'Oiseau Tonnerre exerce un pouvoir spirituel particulier, qui doit être évité ou vénéré en fonction des traditions locales. 9

- Les Tricksters :

Les héros civilisateurs de la mythologie d'Amérique du Nord peuvent se comporter en tricksters, génies malicieux, utilisant la ruse et la dissimulation pour voler le feu, narguer les monstres ou faire des farces aux dépens d'autrui.
De nombreux peuples ont développé des récits relatifs aux tricksters en un groupe de mythes spécifique; dans certaines aires culturelles, comme sur la côte nord-ouest, le héros civilisateur et le trickster sont parfois considérés comme des êtres distincts.
Ces mythes, qui laissent au narrateur une grande liberté, sont les récits les plus répandus et les plus populaires chez les Amérindiens.
Un personnage, Lapin, le trickster du Sud-est, est passé dans le folklore américain moderne sous le nom de Brer Rabbit après que les esclaves noirs originaires de l’ouest de l'Afrique l'eurent amalgamé à leur propre trickster Lapin.
Le trickster étant généralement identique au héros civilisateur, il porte souvent le même nom : Grand Lièvre, Wisakedjak (Whyshey Jack), Menebuch, Nanabush ou Glooskap dans les régions boisées, Lapin dans le Sud-est, Coyote dans les plaines et à l'Ouest, Araignée dans quelques régions des plaines, et Corbeau, Geai Bleu ou Vison sur la côte nord-ouest.
Malgré la diversité de ses traits, le trickster présente des caractéristiques comparables à travers tout le continent.
Ce peut être un astucieux plaisantin ou un destructeur, se prenant généralement à ses propres pièges, finissant blessé, voire mort, pour se relever à nouveau, apparemment sans retirer la moindre sagesse de ses expériences. Parfois totalement irrévérencieux ou stupides, les actes du trickster soulignent, sur un mode plaisant, l'importance des règles morales et des limites. De nombreux récits sont extrêmement triviaux.
Le double rôle du personnage, à la fois héros civilisateur et trickster, est parfois présent dans le même récit, tel le mythe de Corbeau volant les corps célestes. Un mythe algonkin décrit comment Glooskap fut le premier à rapporter l'été aux terres septentrionales gelées. 9

« Corbeau était bien solitaire. Un jour, alors qu’il allait et venait sur la grande plage, il se sentit très triste. A l’exception des arbres, de la lune, du soleil et de quelques animaux, le monde était vide. Son cœur aspirait à la compagnie d’autres créatures. Soudain, une grosse praire émergea du sable en émettant un inquiétant glouglou. Corbeau regarda et écouta très attentivement, tandis que la praire s’ouvrait lentement. Il eut bientôt la surprise et la joie de voir sortir de la coquille de minuscules êtres humains. Tous parlaient et souriaient en se débarrassant du sable qu’ils avaient sur la peau. Hommes, femmes et enfants se dispersèrent sur toute l’île. Corbeau fut heureux et fier de son œuvre. Il se mit à chanter une très belle mélodie pour exprimer sa joie et saluer l’arrivée des nouveaux venus. Grâce à lui, les premiers hommes étaient venus au monde. » (Côte Nord Ouest)

- Le culte de l’aigle :

Un jour, les oiseaux se réunirent afin de désigner celui d'entre eux qui volait le plus haut. Le concours commença. Certains s'élevèrent très vite mais furent aussi vite épuisés par leur effort et dépassés par d'autres plus puissants qu'eux. Puis vint l'aigle, et il les surpassa tous. Il allait fièrement proclamer partout sa victoire lorsque, quittant le dos du rapace, le minuscule oiseau qui s'y était jusque-là caché, une linotte grise, prit à son tour son essor, sans que nul n'ait deviné le subterfuge, et parvint sans peine beaucoup plus haut !
Pour briser le sortilège de son rival, Shawondasee, haletant, souffla comme il put et, le ciel fut envahi de fils d'argent. Mais lorsque ceux-ci se dissipèrent, la belle avait disparu et, avec elle les mille graines finement ailées qui couronnent les fleurs du pissenlit de la prairie !
Quand l'assemblée tint son conseil pour rendre sa sentence, elle s'accorda pour attribuer la victoire à l'aigle. En effet, il était, d'entre tous, celui qui s'était le plus rapproché du soleil et le seul, de surcroît, à avoir réussi cet exploit en portant sur son dos la linotte...
Nul, à compter de ce jour, ne douta que l'aigle était à la fois le plus courageux et le plus fort des guerriers. C'est pourquoi ses plumes sont le signe le plus respectable qu'un chef valeureux puisse s'enorgueillir de porter. 10

Mythes de la Méso-Amérique

- La civilisation olmèque :

Les plus anciennes divinités méso-américaines représentées dans l'art appartiennent à la civilisation olmèque qui se développa dans les régions marécageuses de l'est du Mexique entre environ 1500 et 400 av. J.-C. Images en pierre, en jade, en céramique, grottes peintes, tout indique le caractère précoce de la société olmèque, le génie créatif de ses artisans et l'influence directive de ses prêtres et de ses dirigeants.
L'influence olmèque dans le domaine religieux est considérable comme l'attestent principalement les sculptures de jaguar, thème récurrent de la Méso-Amérique.
D'après les mythes d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud, la version anthropomorphe du dieu jaguar semble être liée à la transformation magique des chamans en félins.
Ces jaguars/chamans, puissants sorciers, étaient particulièrement craints car ils conjuraient les forces dangereuses du monde des esprits ; cette idée ancienne et répandue marqua de façon profonde et durable les croyances des peuples méso-américains.
Le dieu jaguar olmèque était souvent représenté avec une bouche charnue aux commissures tombantes.
Le thème du jaguar associé à la royauté, à la fertilité et à la terre se retrouve dans l'art maya, zapotèque et à Teotihuacan. Il revient de façon plus dramatique sous la forme de Tezcatlipoca, la divinité suprême des Aztèques.
Il existe par ailleurs d'autres influences du monde olmèque, comme en attestent les oiseaux, les crocodiles, les serpents et les êtres anthropomorphes, abondamment représentés dans l'art aztèque. Certains de ces êtres étaient d'étranges hybrides qui combinaient les aspects du jaguar avec ceux d'un oiseau ou d'un serpent.
On a cru autrefois que les Olmèques vénéraient une seule divinité, un dieu de la Pluie, idée qui a été démentie par la suite.
Parmi les nombreuses divinités méso-américaines identifiées dans le panthéon olmèque, se trouvent des formes archaïques de Tlaloc (le dieu de la Pluie), un dieu du Maïs, Quetzalcoatl (le Serpent à Plumes, autre divinité animale hybride), Tezcatlipoca et un dieu du Feu plus tard connu comme Huehueteotl ou Xiuhtecuhtli. Ces dieux se retrouvent sous différents noms dans toute la Méso-Amérique.

- Cosmogonie :

Au commencement était Ometecuhtli, seigneur de la Dualité qui s'était façonné lui-même et qui apparaissait à la fois sous des aspects mâle et femelle comme Ometeotl et Omecihuatl. Les quatre Tezcatlipoca étaient la progéniture du couple cosmique. Le Tezcatlipoca rouge, également appelé Xipe Totec (le Dieu Ecorché), était associé à l'est, le Tezcatlipoca bleu ou Huitzilopochtli au sud, le Tezcatlipoca blanc ou Quetzalcoatl à l'ouest, et le Tezcatlipoca noir (seigneur du Ciel nocturne) au nord. II convient de leur ajouter le dieu de la Pluie Tlaloc et la déesse de l'Eau Chalchiuhtlicue.
Ces divinités s'engagèrent dans une lutte cosmique du pouvoir qui mena à la création de cinq et à la destruction de quatre ères successives ou Soleils - chacun était identifié à des formes particulières de cataclysmes qui marquaient leur fin. Tezcatlipoca dirigea le premier Soleil qui s'appelait 4 Jaguar. Au bout de 676 ans, Quetzalcoatl jeta Tezcatlipoca à l'eau et la terre fut dévorée par les jaguars. C'est au cours du deuxième Soleil 4 Vent, présidé par Quetzalcoatl, que Tezcatlipoca prit sa revanche sur ce dieu en le détrônant, puis fut emporté par un gigantesque ouragan. Le troisième Soleil 4 Pluie, dominé par une pluie de feu, fut dirigé par le dieu de la Pluie Tlaloc. Quetzalcoatl envoya une pluie de feu qui consuma la terre et marqua la fin de cette ère. Ensuite vint le quatrième Soleil 4 Eau, associé à la déesse de l'Eau Chalchiuhtlicue. Il se termina par une inondation du cosmos et les êtres humains se transformèrent en poissons. Ces mondes imparfaits furent suivis par la création du cinquième Soleil, qui est notre monde actuel. Les calamités qui détruisirent les quatre Soleils précédents laissèrent un vide dans l'ordre cosmique. En créant et en alimentant le cinquième Soleil, les dieux offrirent une dernière chance d'exister aux peuples de Méso-Amérique.
Le cinquième Soleil fut créé à Teotihuacan, au moment où le dieu Nanahuatzin se lança dans un grand brasier et se transforma miraculeusement en Soleil Levant. Mais il demeurait immobile. Les dieux offrirent alors leur sang pour que l'astre pût bouger. Voilà pourquoi le cinquième Soleil est connu comme 4 Mouvement. Cette genèse explique que c'était seulement par le sacrifice que l'univers pouvait continuer à vivre chez les Aztèques. Il ne s'agissait toutefois que d'une concession temporaire des dieux, étant donné que même le cinquième Soleil serait détruit par un tremblement de terre. Le signe 4 Mouvement symbolisait le concept de sacrifice humain et justifiait la religion aztèque.

Tezcatlipoca
Tezcatlipoca, dont le nom signifie « seigneur du Miroir Fumant », est le dieu suprême du panthéon méso-américain. Toutes les autres divinités créatrices n'étaient en réalité que des aspects de cet être tout-puissant et omniscient.
Il présida à la première ère de la création et son affrontement avec Quetzalcoatl se termina par un cataclysme.
Son culte arriva en Amérique centrale avec les Toltèques vers la fin du Xe siècle ap. J.-C.
A la période aztèque, Tezcatlipoca avait un nombre d'apparences et de noms plus élevé que n'importe quelle autre divinité.
Par exemple, identifié à Yaotl (Guerrier) et à Yoalli Ehecatl (Vent Nocturne), il était associé à la mort, à la guerre et au royaume de la Nuit.
Dans un mythe, il corrompt le dieu vertueux des Toltèques, Quetzalcoatl, le Serpent à Plumes, en l'initiant à la boisson et aux plaisirs charnels.
Les Aztèques le vénéraient comme patron de la royauté et des sorciers.
Il apparaissait la nuit aux croisements des chemins pour défier les guerriers.
Son statut remarquable se révèle dans son association symbolique avec le jaguar et surtout dans sa manifestation comme Tepeyollotli, le « jaguar cœur de la montagne ».
Invisible et omniprésent, Tezcatlipoca incarnait le seigneur des Ombres ; il brandissait un miroir magique qui lui permettait de prédire le futur et de voir dans le cœur des hommes.
Les Aztèques craignaient et redoutaient sa nature capricieuse qui l'amenait à répandre la misère et la mort aussi bien que la santé, le courage et la bonne fortune.

Quetzalcoatl
Quetzalcoatl, dont le nom signifie « serpent à plumes », le « jumeau précieux », était une divinité majeure du panthéon aztèque, aux origines archaïques. Il revêtait aussi de nombreuses formes, les plus célèbres étant le dieu du Vent Ehecatl, le dieu bienveillant du Savoir et des Artisans, le dieu des jumeaux et le Serpent à Plumes.
Le concept de Serpent à Plumes remonte au moins à la civilisation de Teotihuacan, la grande cité du plateau central du Mexique. A cette époque, Quetzalcoatl incarnait probablement une divinité de la végétation et était étroitement lié au dieu de la Pluie Tlaloc.
Avec les Toltèques, du IXe au XIIe siècle, il devint le dieu de l'Etoile du Matin et du Soir, et c'est sous cette forme qu'il fut vénéré dans la capitale toltèque de Tula.
Les Aztèques intégrèrent Quetzalcoatl et le vénérèrent comme patron des prêtres, inventeur du calendrier et protecteur des artisans.
Avec son jumeau, le dieu à tête de chien Xolotl, il pénétra dans l'Inframonde, appelé Mictlan, où il trouva les ossements d'un homme et d'une femme morts lors des quatre cataclysmes cosmiques. Il s'empara des ossements brisés et fuit la colère du seigneur du royaume des Morts. Il arriva ensuite devant la déesse du Foyer Cihuacoatl (Femme Serpent) qui broya les os. Quetzalcoatl les arrosa du sang de son pénis et c'est ainsi que l'humanité fut créée une nouvelle fois.
Il est difficile de dissocier le Quetzalcoatl mythique du roi-prêtre toltèque Topiltzin Quetzalcoatl qui aurait réellement existé et était lui aussi lié au Serpent à Plumes. Cet amalgame est décrit dans l'histoire de sa rivalité avec Tezcatlipoca, le dieu de la Nuit et du Nord.
Tandis que Quetzalcoatl demandait à ses sujets de faire des sacrifices pacifiques (offrandes de jade, d'oiseaux, de serpents et de papillons), Tezcatlipoca voulait imposer des rituels plus sanglants. Ils s'affrontèrent et Quetzalcoatl fut expulsé de Tula en 987 ap. J.-C., dit la légende. Il se rendit avec son peuple vers le golfe du Mexique, s'immola sur un bûcher et ressuscita sous la forme de la planète Vénus.
Dans une autre version, Quetzalcoatl s'embarqua sur un radeau de serpents et disparut à l'horizon vers l'est. On racontait qu'il reviendrait un jour. Cette prophétie fut exploitée ensuite par le conquistador espagnol Cortés qui, lorsqu'il toucha le sol mexicain en 1519, fut pris par l'empereur aztèque Moctezuma pour Quetzalcoatl (dont la légende dit qu’il avait une haute taille, la peau blanche, une longue chevelure noire et la barbe tombante) venant reprendre possession de son royaume. 9

Mythes de L’Amérique du Sud

- Mythes des Andes :

La civilisation en Amérique du Sud précolombienne a été un phénomène essentiellement andin. Alors que diverses cultures anciennes fleurirent le long de la côte de la cordillère, c'est dans les Andes centrales du Pérou, sur la côte adjacente et au nord de la Bolivie, qu'elles furent les plus nombreuses.
Les raisons de la concentration des anciennes civilisations dans les Andes centrales sont en partie d'ordre géographique : une aire assez réduite avec des territoires contrastés de la côte pacifique, des Andes et de la forêt équatoriale amazonienne favorisèrent une spécialisation économique et des échanges commerciaux.
Depuis les temps les plus reculés, les mythes et les croyances des sociétés amazoniennes influencèrent leurs voisins des hautes terres, techniquement plus avancés.
Pour les civilisations préincaïques, cela se traduisit d'abord dans le domaine artistique par le thème récurrent des animaux et des êtres anthropomorphes de la forêt équatoriale.
Malgré des différences, les civilisations andines avaient de nombreux points communs, tels qu'un culte ancestral et la croyance en un territoire animé, ainsi que l'utilisation sophistiquée de l'or, de l'argent et des textiles - tout cela ayant une profonde signification religieuse.
Bien qu'aucune culture sud-américaine n'ait développé de système d'écriture, les informations ethnographiques sur les peuples andins actuels et les documents historiques sur les Incas fournissent de nombreux renseignements sur les mythes.
Depuis les temps les plus reculés, les anciennes civilisations d'Amérique du Sud avaient des traits communs dans leur conception religieuse et leurs croyances mythiques. On attribuait un pouvoir surnaturel aux plantes, aux animaux, aux fleuves et aux montagnes.
Malgré des différences régionales et locales (comme le développement plus précoce de rites du feu dans certaines cultures), le culte d'un dieu créateur suprême, la vénération des ancêtres et de dirigeants mi-hommes mi-dieux, le sacrifice humain (surtout avec les têtes/trophées) et les pérégrinations sacrées étaient universels.
Ces anciennes civilisations exprimaient leurs croyances religieuses et mythiques sur les textiles, les objets en or, en argent, la céramique et la pierre. L'une des cultures qui eut le plus d'influence dans ce domaine était implantée à Chavin de Huantar dans les Andes (800-200 av. J.-C.). Là, des êtres mythiques aux crocs de félin dominaient le style élaboré de l'art chavin. Ces images effrayantes portaient le nom de « Dieu souriant » et « Dieu aux bâtons ». Les figures surnaturelles de la culture chavin, que l'on retrouvait dans de nombreuses civilisations, étaient des prototypes d'êtres mythiques plus récents, comme Ai apaec, le dieu aux crocs de félin de la culture mochica de la côte aride du nord du Pérou, et le Dieu qui pleure, sculpté sur un bloc de lave solide sur la porte du Soleil du centre cérémoniel de Tiahuanaco. Datant d'environ 500 ap. J.-C., Tiahuanaco était en ruine à l'époque des Incas. Les mythes et les cultures de plusieurs tribus qui tombèrent sous la domination de l'empire inca furent cependant assimilés aux croyances incas et le Dieu aux bâtons était généralement considéré comme l'égal de Viracocha, le Créateur, qui occupait une place fondamentale dans la mythologie inca.
Des séjours dans des lieux de pèlerinage tels que montagnes, sources et temples/pyramides jouaient de toute évidence un rôle important à l'époque préhistorique, et c'est d'ailleurs encore le cas aujourd'hui.
Le temple de Pachacamac sur la côte centrale du Pérou était le lieu de pèlerinage le plus célèbre à l'époque préhispanique. Là, un prêtre présidait le culte d'une divinité créatrice terrestre dont les fidèles enrichissaient le temple d'or et sacrifiaient des hommes et des animaux en échange de prédictions d'oracles. Pachacamac était le dieu suprême des peuples de la côte et son influence était très grande. Lorsque les Incas conquirent cette région, ils reconnurent son importance en acceptant que l'on continue de le vénérer au côté du temple de leur dieu solaire Inti.
Caractérisée par des sommets de montagne recouverts de neige, des volcans, des fleuves au débit rapide et des punas, hauts plateaux froids, la cordillère des Andes était le creuset d'une diversité culturelle à l'époque précolombienne. Cette terre hostile était habitée par des forces spirituelles : les sommets élevés étaient la demeure des divinités et des esprits, et les fleuves, les lacs, les grottes et la pluie, celle des êtres mythiques.
Cette tradition existe toujours : les sommets comme l'Ausangate sont vénérés en tant qu'Apu, ou esprits des montagnes, et exercent une influence sur la fertilité dans le monde animal et végétal.
Dans la plus grande partie des Andes, des pèlerinages sacrés vers les hautes montagnes constituent encore une des caractéristiques de la religion traditionnelle datant de l'époque précolombienne.
Cette appréhension du monde se retrouvait aussi dans le concept de Huaca, lieu sacré qui quadrillait le territoire où l'on faisait des offrandes aux divinités locales à l'époque préincaïque et inca et c'est encore le cas aujourd'hui.
Les anciennes sociétés des Andes croyaient en de nombreux mythes d'origine locale. L'arrivée des Incas mena cependant à une réorganisation politique et religieuse qui se reflétait dans les mythes et justifiait la nouvelle idéologie impérialiste des Incas dans laquelle la divinité créatrice Viracocha jouait un rôle déterminant.

Viracocha
Pour les Incas et leurs prédécesseurs, le lieu des origines mythiques se trouvait au sud-est de Cuzco, à proximité du lac Titicaca.
C'est à cet endroit que Viracocha aurait créé d'abord un monde nocturne peuplé de géants qu'il façonna dans la pierre.
Cette première race lui ayant désobéi, le Créateur la punit en la transformant en pierre dans des endroits comme Tiahuanaco et Pucara, ou en provoquant une vaste inondation qui les engloutit.
Le seul homme et la seule femme qui survécurent furent emportés par magie au royaume de Viracocha à Tiahuanaco.
Pour sa seconde tentative, le dieu modela des hommes dans l'argile et peignit des vêtements pour distinguer chaque nation; il les dota aussi de différentes coutumes, langues et chansons, et leur donna des graines pour qu'ils les plantent et cultivent la terre.
Après avoir insufflé la vie à ses créations, Viracocha leur ordonna de descendre sur la terre et de sortir des grottes, des lacs et des montagnes, ce qu'ils firent.
En l'honneur du dieu, chaque nation établit des lieux de pèlerinage à l'endroit où ils étaient apparus sur terre.
Pour éclairer le monde, Viracocha demanda alors au soleil, à la lune et aux étoiles de sortir de l'île du Soleil du lac Titicaca, et les astres montèrent au ciel.
Lorsque le soleil apparut dans le ciel, Viracocha appela les Incas et leur chef Manco Capac, leur prédisant qu'ils régneraient sur de nombreuses nations. Il donna à Manco Capac une coiffure et une hache de guerre, insigne et arme de la royauté. Ce tout nouveau roi mena ensuite ses frères et sueurs dans le Monde souterrain, et ils sortirent de la grotte à Pacarictambo.
Cet important mythe de création représente non seulement une adaptation inca d'anciens mythes andins mais a aussi des influences chrétiennes.
La grande inondation, le premier homme et la première femme, Viracocha conçu comme un homme blanc et les voyages entrepris par le dieu à la figure héroïque sont autant d'éléments qui laissent transparaître les efforts de l’Eglise catholique pour supprimer le paganisme des Indiens.

Inkari et Collari
D'après un mythe contemporain de la communauté Khero près de Cuzco, à une époque où le soleil n'existait pas encore, le monde était habité par des hommes primitifs puissants.
Roal, la divinité créatrice, leur offrit son propre pouvoir, mais ils refusèrent.
Pour les punir, le dieu inventa le soleil.
Ils furent aveuglés et leur corps se dessécha ; ils ne périrent pas pour autant et sortent encore parfois de leur cachette au coucher du soleil et à la nouvelle lune.
Les Apu, ou esprits des montagnes, créèrent ensuite un homme et une femme, Inkari et Collari.
On donna à Inkari une pince en or pour qu'il fonde une cité à l'endroit où la pince tomberait quand il l'aurait jetée. La première fois, il la lança mal. La seconde fois, elle atterrit dans un coin et la ville de Khero fut construite à cet emplacement.
Les Apu, furieux de sa désobéissance, ressuscitèrent les hommes primitifs qui tentèrent de le tuer en faisant rouler des blocs de pierre sur lui.
Inkari s'enfuit vers la région du lac Titicaca où il resta pendant quelque temps.
Sur le trajet du retour, il lança la pince à nouveau : elle se planta dans le sol et il fonda à cet endroit la ville de Cuzco.
Inkari envoya ensuite son fils aîné s'établir à Khero avec des hommes, et le reste de sa descendance devint les premiers Incas.
Inkari voyagea avec Collari dans tout le territoire, dispensant son savoir aux peuples puis il disparut dans la jungle. 9

- Mythe des Indiens Timbira du groupe Gê :

Il y a bien longtemps, il n'y avait pas de civilisés, seulement quelques Indiens. Une femme indigène fut enceinte. Chaque fois qu'elle allait se baigner dans le ruisseau proche de son village, son fils, qui n'était pas encore né, sortait de son ventre et se transformait en animaux, jouant au bord de l'eau. Ensuite il retournait à nouveau dans le ventre maternel. La mère ne disait rien à personne.
Un jour l'enfant naquit. C'était Aukê. Encore nouveau-né, il se transformait en jeune homme, en homme adulte, en vieillard.
Les habitants du village craignaient les pouvoirs surnaturels d’Aukê et, en accord avec le grand-père maternel, ils résolurent de le tuer. Les premières tentatives pour le liquider n'aboutirent pas. Une fois, par exemple, le grand-père l'emmena au sommet d'un morne et le poussa de là dans l'abîme. L'enfant, pourtant, se transforma en une feuille sèche et tomba tout doucement, retournant sain et sauf au village. Il en fut ainsi jusqu'à ce que le grand-père se résolve à faire un grand feu et à l'attirer dedans. Bien des jours après, quand il retourna sur les lieux de l'assassinat pour recueillir les cendres de l'enfant, il trouva là la maison de maîtres d'une fazenda, avec des bœufs et d'autres animaux domestiques. Aukê n'était pas mort, mais il s'était bel et bien transformé en premier homme civilisé. Aukê ordonna, alors, au grand-père, d'aller chercher les autres habitants du village. Et ils vinrent.
Quand Aukê leur fit choisir entre le fusil et l'arc, les Indiens restèrent avec la peur d'utiliser le premier, préférant le second. Parce qu'ils auront préféré l'arc, les Indiens demeurèrent des Indiens. S'ils avaient choisi le fusil, ils se seraient transformés en hommes civilisés. Aukê pleura de la peine que les Indiens n'aient pas choisi la civilisation.

CITATIONS

Il n'existe sur la terre aucun peuple qui soit meilleur, plus affectionné, plus affable et plus doux. Les Indiens aiment leur prochain comme eux-mêmes. (Christophe Colomb 1451-1506)

On disait que les Indiens étaient plus traîtres et plus cruels que les Européens, même que les lions ; mais ils ont été pour nous comme des agneaux, si doux, si soumis, si confiants, qu'on pourrait vraiment dire que beaucoup de chrétiens ne sont ni aussi bons ni aussi fidèles. (Révérend Cushman, 1620)

Les peuples d'Europe ayant exterminé ceux de l'Amérique, ils ont dû mettre en esclavage ceux de l'Afrique, pour s'en servir à défricher tant de terres. (Montesquieu 1689-1755)

Les philanthropes disent que la Russie ne doit pas s’étendre, mais peupler les déserts. Cependant, les Américains, qui sont le peuple le plus moral à nous connu, prennent les terres des sauvages lorsqu’elles leur conviennent. (Jan Potocki, 1761-1815)

L'Indien est brave quand le succès d'une entreprise dépend de sa bravoure. L'éducation qu'il reçoit, ou peut-être une impulsion naturelle, lui fait un point d'honneur de détruire l'ennemi par stratagème et de manière à garantir sa propre personne, tandis que notre éducation nous enseigne à préférer la force à la ruse. Il se défendra contre une nuée d'ennemis, et il aimera mieux s'exposer à la mort que de se rendre aux blancs, quoiqu'il sache qu'il sera bien traité par eux. Dans d'autres situations, il affronte la mort avec plus de résolution encore, et il subit les tortures avec une fermeté que l'enthousiasme religieux ne produirait point chez l'Anglo-Américain. Il aime ses enfants jusqu'à la tendresse, et il a pour eux beaucoup de sollicitude et d'indulgence. Son amitié est capable des plus grands dévouements. Sa sensibilité est exquise, et l'on a vu des guerriers pleurer des larmes amères sur la tombe de leurs enfants, quoiqu'à vrai dire ils s'efforcent de paraître dominer les événements humains. L'activité, la vivacité d'esprit de l'Indien est égale a la nôtre dans des situations analogues, de là sa passion pour la chasse et les jeux de hasard, Il est vrai que, parmi eux, les famines sont soumises à de pénibles et injustes fatigues ; mais, si je ne me trompe, il en est ainsi chez tous les peuples barbares, pour lesquels la force fait loi. C'est la civilisation seule qui rétablit la femme dans la possession de son égalité naturelle avec l'homme. Les principes de leur société repoussant toute voie coercitive, le seul moyen d'amener les Indiens à l'accomplissement de leurs devoirs est la persuasion et l'influence personnelle. Il en résulte pour les chefs la nécessité d'être éloquents dans les conseils, braves et adroits dans la guerre. Toutes leurs facultés sont dirigées de ce coté. Les Anglo-Américains ont des preuves nombreuses de leur intrépidité et de leur tactique dans la guerre ; mais on a moins de témoignages de leur supériorité dans l'art oratoire, parce que c'est dans leurs délibérations privées qu'ils ont plus d'occasions de déployer leur faconde. (
Thomas Jefferson 1743-1826)

Les Espagnols, à l'aide de monstruosités sans exemple, en se couvrant d'une honte ineffaçable, n'ont pu parvenir à exterminer la race indienne, ni même à l'empêcher de partager leurs droits ; les Américains des Etats-Unis ont atteint ce triste résultat avec une merveilleuse facilité, tranquillement, légalement, philanthropiquement, sans répandre de sang, sans violer un seul des grands principes de la morale aux yeux du monde. On ne saurait détruire les hommes en respectant mieux les lois de l'humanité. (Tocqueville 1805-1859)

"O mécanique civilisation !" C’est un mot de Montaigne pensant à la conquête de l'Amérique et aux rustiques vertus des indigènes, si promptement broyées. (Alain 1868-1951)

Les blancs proclamaient que les Indiens étaient des bêtes, les seconds se contentaient de soupçonner les premiers d'être des dieux. A ignorance égale, le dernier procédé était certes plus digne d'hommes. (Claude Lévi-Strauss 1908-2009)

"L'annonce de Jésus et de son Evangile n'a comporté à aucun moment une aliénation des cultures précolombiennes et n'a pas imposé une culture étrangère" (Benoît XVI à Aparecida au Brésil le 13 mai 2007). Suite aux vives réactions des représentants des peuples autochtones, le pape déclare en audience générale le 23 : "Il n’est pas possible d’oublier les souffrances et les injustices infligées par les colonisateurs aux populations indigènes souvent piétinées dans leurs droits humains et fondamentaux (…) Mais la mention nécessaire de tels crimes injustifiables, crimes déjà condamnés par des missionnaires comme Bartolomé de Las Casas et des théologiens comme Francesco Vitoria de Salamanque, ne doit pas empêcher de prendre acte avec gratitude de l’œuvre merveilleuse réalisée par la grâce divine chez ces populations au cours de ces siècles".


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