lundi 23 avril 2012
JACQUES CARTIER ( 1491 - 1557 )
Jacques Cartier (né probablement entre le 7 juin et le 23 décembre 1491 à Saint-Malo, mort dans la même ville le 1er septembre 1557) est un navigateur et explorateur malouin. Auteur de cartes ayant permis l'apparition du golfe et du fleuve Saint-Laurent sur les représentations du globe, Cartier, par ses Relations, est le premier Européen à décrire et nommer ces eaux, leurs rives et leurs habitants, et le territoire visité qu'il nomme Canada.
Nous ne connaissons que bien peu de chose de sa vie allant de sa naissance jusqu'à son premier voyage officiel en 1534. Son acte de baptême ne nous est pas parvenu puisque les registres de l'état civil de Saint-Malo manquent de 1472 à 14947. Depuis la seconde moitié du xixe siècle, les historiens considèrent Jacques Cartier comme le fils de Jamet et de Geffline Jansart, bien qu'aucun document d'archive ne l'atteste. S'il est bien le fils de ces derniers, il aurait eu pour frères Lucas et un enfant non nommé, né en 1494, ainsi qu'une sœur ayant pour nom Berteline. Ce qui est certain, c'est qu'il a eu une sœur nommée Jehanne, puisqu'elle apparaît dans le testament du pilote et explorateur malouin daté du 19 mai 1541. Selon Frédéric Joüon des Longrais, il faudrait ajouter à la liste de la fratrie de l'explorateur le nom de Jehan puisqu'il a été le parrain de deux de ses enfants.
J
acques Cartier épouse, au début d'avril 1520, Catherine, fille de Jacques des Granches, connétable, et de Françoise Du Mast : un mariage qui améliore grandement la condition sociale de l'époux. De cette union ne naîtra aucune descendance.
Les archives malouines nous le présentent sous les traits, entre autres, d'un compère, pour les cérémonies baptismales, et d'un témoin ou juré, dans les procédures judiciaires, très recherché de la part de ses concitoyens. En effet, sur une période s’étalant du 21 août 1510 au 17 novembre 1555, son nom est indiqué sur 58 actes de baptême, dont 35 où il apparaît comme parrain d’enfants bretons. Tissant soigneusement ses liens parmi les bourgeois et les officiers municipaux de Saint-Malo, Jacques Cartier consolida également son réseau social grâce à ses fréquentations auprès de la confrérie de Saint-Jean-Baptiste, communément appelée la confrérie des Frères Blancs. Il semble que, parallèlement au domaine maritime, Jacques Cartier s'intéressait également au monde judiciaire, puisqu'en 1518 il avait en sa possession un livre intitulé Les loables Coustumes du pays & Duche de Bretaigne, dans lequel se trouvaient les règles juridiques bretonnes et les coutumes de la mer (rôles d'Oléron). C'est sans doute grâce à son savoir du droit qu'il était souvent sollicité comme témoin ou juré dans les cours de Saint-Malo. Aucun document d'archive connu ne nous informe de sa carrière de pilote avant 1530. La majorité des historiens reconnaissent qu'il devait avoir quelque compétence en la matière, pour mériter le titre de « capitaine et pilote pour le Roy ayant charge de voiaiger et allez aux Terres Neuffves passez le destroict de la baye des Chasteaulx » et de succéder ainsi à Giovanni da Verrazano. Dans la mesure où l'on ne connaît pas le ou les auteurs des récits relatant les voyages de Cartier, il serait vain d'y chercher quelques indices sur sa personnalité et sa carrière maritime avant 1530. Pour expliquer la genèse du premier voyage de 1534, et connaître les circonstances entourant le choix de Cartier par François Ier, roi de France, deux documents postérieurs aux événements et, comme l'on peut s'y attendre, relatant différemment les faits, ont été employés par les historiens. Le premier, le plus anciennement utilisé par les auteurs, est tiré de l'Histoire de la Nouvelle France de l'avocat Marc Lescarbot. Selon l'avocat-historien, c'est Jacques Cartier qui aurait proposé lui-même ses services à l'amiral de France Philippe Chabot en 1533, qui : « les representa à sa Majesté, & fit en sorte que le dit Quartier eut la charge ». Cette version des faits n'est rapportée que par Lescarbot, mais il y a toutefois des arguments qui viennent la supporter. En effet, Jacques Cartier avait donné le nom de l'amiral à l'île Brion, située dans le golfe du Saint-Laurent, et qui a préservé son choronyme jusqu'à aujourd'hui. Parmi les raisons qui poussaient les chefs d'expédition à nommer un nouveau territoire, il y avait celle d'honorer les principaux « maîtres d'œuvre » du voyage.
Plusieurs historiens avancent qu'il aurait pu accompagner une campagne de pêche, pour se rendre à Terre-Neuve avant 1532, car la région était fréquentée des pêcheurs basques et bretons. Certains suggèrent aussi qu'il aurait pu participer à l'un des voyages d'exploration de la côte brésilienne par la flotte normande sous pavillon dieppois, vu :
d'une part, les fréquentes comparaisons que Cartier fait, dans ses récits de voyage, entre les Amérindiens de la Nouvelle-France et les Brésiliens, ainsi que sa connaissance du portugais car lors de sa retraite il agit à plusieurs occasions comme interprète en langue portugaise ;
d'autre part, l'histoire de la ville de Dieppe, qui relate la navigation non seulement du capitaine Jean Cousin, mais de deux autres capitaines, Thomas Aubert et Giovanni da Verrazzano, qui embarquèrent de Dieppe en 1508 et reconnurent le fleuve Saint-Laurent, auquel ils donnèrent son nom.
En 1532, alors qu'une guerre éclate entre la couronne du Portugal et les armateurs normands au large du Brésil, il est présenté à François Ier par Jean Le Veneur, abbé du Mont-Saint-Michel. Celui-ci évoque des voyages que Cartier aurait déjà faits « en Brésil et en Terre-Neuve », pour affirmer qu'il était à même « de conduire des navires à la découverte de terres nouvelles dans le nouveau monde ». Recevant une commission du roi de France, et devenant en ce sens le successeur de Giovanni da Verrazano, Cartier dirigera, aux frais du roi, trois voyages vers l'Amérique du Nord entre 1534 et 1542, espérant y trouver un passage pour l'Asie, sinon des richesses.
Le premier voyage (1534)
Après seulement vingt jours de traversée (du 20 avril au 10 mai), Cartier atteint Terre-Neuve, avec ses deux navires et un équipage de 61 hommes. Il explore minutieusement le golfe du Saint-Laurent.
Le 12 juin, lors de la reconnaissance de nouveaux lieux et la dénomination de nouvelles rivières, Jacques Cartier et ses marins aperçurent, un peu à l'écart de la rivière qu'ils venaient de nommer Saint-Jacques, un grand navire originaire de La Rochelle, dont l'équipage, après une longue campagne de pêche à la morue, avait perdu son chemin au milieu des nombreuses îles du golfe du Saint-Laurent. Ils allèrent à bord de ce navire pour le conduire vers un lieu plus commode pour s'orienter, qu'ils appelèrent « Havre Jacques-Cartier ».
Le lundi 6 juillet, Jacques Cartier et son équipage entrent en contact avec les premiers Amérindiens de la Nation Micmac, au large de la Baie des Chaleurs. Les jours suivants, la confiance s'installe entre les marins et les autochtones, avec échanges de colifichets, couteaux, tissus... contre des peaux d'animaux.
Le vendredi 24 juillet, il met pied à terre à Gaspé, y plante une croix de trente pieds, revendiquant la région pour le roi de France. La troupe des Français y rencontre des Iroquoiens du Saint-Laurent, venus pour la pêche, qui les accueillent sans grand plaisir. Le chef amérindien, Donnacona, après protestations, finit par permettre à Cartier d'amener deux de ses « fils » en France. La rentrée à Saint-Malo se fait le 5 septembre après une autre courte traversée de 21 jours4.
Le deuxième voyage (1535–1536)
Le deuxième voyage a lieu en 1535–1536. Cette expédition compte trois navires, La Petite Hermine (60 tonneaux), L'Émérillon (40 tonneaux) et la nef qui transporte Cartier, la Grande Hermine (120 tonneaux). Quinze mois de vivres ont été prévus. Ramenés de France par Cartier, les deux « fils » (neveux?…) du chef Donnacona, Taignoagny et Domagaya, parlent maintenant français. Recourant à leurs connaissances, Cartier remonte alors le cours du Saint-Laurent, découvrant qu'il navigue sur un fleuve lorsque l'eau devient douce. À l'île d'Orléans, le 7 septembre, devant Stadaconé, on retrouve Donnacona.
Ce chef essaie de dissuader les Français de remonter le fleuve : il veut s'assurer du monopole du commerce. Cartier refuse et donne congé aux deux « fils ». Il ira donc en amont sans interprète. Une partie des hommes restent et construisent un fortin, préparant le premier hivernage connu de Français au Canada. Cartier continue à remonter le fleuve sur l’Émérillon, dont bientôt le tirant d'eau interdit de poursuivre au-delà du lac Saint-Pierre : il y ancre l’Émérillon et l'équipage poursuit en barques.
À Hochelaga
Le 2 octobre 1535, Jacques Cartier et ses compagnons arrivent dans la région de l'établissement nommé Hochelaga. La nuit venue, ils se retirent tous à bord des barques. Tôt le lendemain matin, avec ses gentilshommes et vingt mariniers armés, Cartier entreprend à pied le chemin vers ce village, sur une voie bien aménagée. Marchant ainsi deux lieues (environ 8 km), ils peuvent enfin apercevoir cette bourgade palissadée de tronc d'arbres, sur une colline et entourée de terres cultivées, pleines de maïs (dit blé d'Inde), ainsi qu'il décrira le paysage entourant Hochelaga. Il nommera Mont Royal, cette montagne de l'île et de la ville qui est aujourd'hui nommée Montréal.
La bourgade n'a dans son rempart circulaire qu'une seule porte d'entrée (sortie). On y compte une cinquantaine de « maisons longues », communautaires. Le chef du village affirme que l'on peut continuer à remonter le fleuve vers l'ouest durant trois lunes et, de la rivière des Outaouais, se diriger vers le nord et pénétrer dans un pays où l'on trouve de l'or (qui est l'actuelle grande région de l'Abitibi).
Après cette visite d'un jour, les Français rebroussent chemin et retournent au royaume de Kanata (ce qui donnera Canada, c'est la région de Stadaconé), région de Québec, hiverner au mouillage, à côté du fort Sainte-Croix, sur la rivière du même nom.
Les rapports avec les Iroquoiens du Saint-Laurent sont bons, malgré quelques disputes sans gravité, qui ne dégénèrent jamais en violence. Cartier découvre cependant les premiers scalps dans la maison de Donnacona. Il y goûte aussi le tabac, qu'il n'apprécie guère. L'hiver de l'Amérique du Nord arrive et surprend les Français, le fleuve gèle et emprisonne les navires. Cartier et ses hommes hivernent près de la rivière Sainte-Croix (maintenant dite rivière Saint-Charles, à Québec). Les hommes souffrent du scorbut, les Iroquoiens en sont aussi frappés, des Français meurent tandis que les Amérindiens s'en tirent beaucoup mieux. Cartier, épargné, découvre que les Micmacs se soignent avec une infusion d'aiguilles et d'écorce de pin. Il applique le traitement à ses hommes et, bientôt, les guérisons se multiplient. En avril, Cartier emmène Donnacona, pour le présenter à François Ier, avec ses deux « fils » (neveux?…) et sept autres Iroquoiens; puis, profitant du dégel, il met le cap sur la France, abandonnant La Petite Hermine, « faute d’un équipage assez nombreux » (25 des 110 équipiers étaient décédés du scorbut). Après un passage par Saint-Pierre-et-Miquelon, il retourne à Saint-Malo en juillet 1536, croyant avoir exploré une partie de la côte orientale de l'Asie.
Le Lieu historique national Cartier-Brébeuf commémore cet hivernage de Jacques Cartier.
Le troisième voyage (1541—1542)
Jacques Cartier, gravure attribuée à Pierre-Louis Morin, vers 1854.
Donnacona, qui a compris ce que cherchent les Français (de l'or, des gemmes, des épices), leur fait la description qu'ils veulent entendre : celle du riche royaume de Saguenay. Sur ce, François Ier, bien qu'occupé par les menaces de Charles Quint, se laisse convaincre de lancer une troisième expédition avec pour instructions, cette fois, d'implanter une colonie.
L'organisation de l'expédition est confiée à Jean-François de La Rocque de Roberval, un homme de cour, ce que Cartier n'est pas. Il ne sera cette fois que le second de Roberval. La colonisation et la propagation de la foi catholique deviennent les deux objectifs. Donnacona meurt en France vers 1539, comme d'autres Iroquoiens du Saint-Laurent, d'autres s'y sont mariés, aucun ne reviendra de France. On prépare l'expédition, arme cinq navires, embarque du bétail, libère des prisonniers pour en faire des colons. Roberval prend du retard dans l'organisation et Cartier s'impatiente puis décide de s'engager sur l'océan sans l'attendre. Après une traversée calamiteuse, il arrive enfin sur le site de Stadaconé en août 1541, après trois ans d'absence. Les retrouvailles sont chaleureuses malgré l'annonce du décès de Donnacona, puis les rapports se dégradent et Cartier décide de s'installer ailleurs.
Il fait édifier le fort de Charlesbourg-Royal au confluent du Saint-Laurent et la rivière du Cap Rouge, pour préparer la colonisation. Bientôt, l'hiver arrive et Roberval est toujours invisible, avec le reste de l'expédition. En attendant, Cartier accumule « l'or et les diamants », qu'il négocie avec les Iroquoiens du Saint-Laurent, qui disent les avoir ramassés près du camp. En 1542, Cartier lève le camp, rencontre Roberval à Terre-Neuve. Malgré l'ordre que ce dernier lui donne de rebrousser chemin et de retourner sur le Saint-Laurent, Cartier met le cap vers la France.
Aussitôt arrivé en France, il fait expertiser le minerai, apprenant qu'il ne rapporte que de la pyrite et du quartz, sans valeur. Sa mésaventure est à l'origine de l'expression « faux comme des diamants du Canada »… et du toponyme actuel, « Cap Diamant », pour désigner l'extrémité est du promontoire de Québec.
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